J’aime militer car j’aime l’argent, les jets privés, le caviar russe, les montres Omega, l’île de Mykonos, les berlines et les chauffeurs privés.
Chien il sait pas il fait quoi
Seulement, j’ai choisi le mauvais parti, je n’ai rien de tout cela. Je n’ai pas choisi Horizons, LR ou le PS (celui de Hollande pour rester diplomate). J’ai choisi la FI… Il y a des erreurs dont on ne se relève pas… De quelle drogue je me suis piqué pour prendre cette décision ? En tout cas, je suis resté bloqué dans ma défonce, je plane toujours. Et… je dois avouer… que… j’aime bien ça 👉👈🥺
Voici pourquoi.
(j’écoute Brian Eno - Thursday Afternoon en écrivant ces lignes, l’influence est non négligeable)
La première fois que j’ai milité, je me suis rendu au marché de Saint-Louis à Brest, j’étais tremblant comme une feuille mais je me suis lancé comme on saute à l’élastique. Les gens m’ont pris les tracts sans me remarquer alors que j’avais l’impression de faire un des actes les plus transgressifs de ma vie (ma vie n’est pas très palpitante). Je suais des aisselles c’était pas beau à voir. Puis une veille dame s’est arrêtée, nous avons longuement discuté, c’était une ancienne syndicaliste CGT qui s’était battue à l’arsenal à la fois contre les mauvaises conditions de travail et contre le sexisme au sein du syndicat. Elle était fière et heureuse de transmettre le témoin, que des jeunes prennent la relève. C’est un condensé de tout ce que j’aime dans le militantisme.
Je me suis rendu à une réunion LFI, c’était impressionnant, je ne savais pas si j’avais ma place mais on m’a fait confiance et roule ma poule , c’était parti. Et je me suis vite pris au jeu.
Quand on va en porte-à-porte, on est bien accueilli, on discute et on apprend beaucoup. Les sujets de discussion, les préoccupations sont bien éloignés des thèmes mis en avant par nos milliardaires préférés : on parle du boulot, des conditions de travail, de la qualité de vie et de tout sujet dont on veut bien nous parler. Je sais pour qui je me bats et pourquoi j’y passe mes soirées (au lieu de suivre le cours des cryptos). Bref, ça a un sens.
Dans un immeuble, on rencontre tellement de sensibilités différentes ! On ne sait jamais sur qui on va tomber en toquant à une porte ou en tractant dans la rue. Quels que soient les arrangements de pensée, il y a toujours un quelque chose qui passe. Pour moi, c’est de l’or pur.1
Porte-à-porte en MASSE
Ce contre quoi on lutte le plus, c’est le nihilisme : certaines personnes sont désabusées, elles ne croient plus en rien et surtout pas au vote (comment leur donner tort quand on voit comment le résultat des dernières élections a été retourné !). On les écoute attentivement, on leur transmet de l’énergie, on les sort de leur solitude. Ya des militants qui se battent pour eux ! La porte suivante, on tombera sur des locataires qui nous donnent la pêche. C’est un circuit solidaire.
Evidemment on rencontre du clivage, mais c’est franchement surestimé par le prisme de la TV. Heureusement la TV, ce n’est pas la société, et plus on rencontre de gens, plus l’on s’en rend compte. De temps en temps, quelqu’un vient nous aborder en pensant nous donner une leçon. C’est quasi systématiquement des arguments médiatiques qui fondent comme neige au soleil dès qu’on demande plus d’explications ou qu’on a quelques bons arguments. La confrontation existe, faut l’accepter, c’est sain. Le conflit nous permet d’accéder au statut de sujet2.
La partie délicate, c’est souvent de révéler à des proches, des ami·es, des collègues qu’on est militant à la FI. Il faut rassurer et démystifier (non je ne bois un verre de sang de bourgeois au réveil). Surtout c’est l’occasion de faire découvrir tout un pan de pensée, celui de la gauche radicale3, à des personnes qui n’en ont souvent jamais entendu parler. Plus le temps passe, moins j’ai de difficultés à assumer. On est là pour rester.4
Les actions, c’est pour la street cred. Mais je ne ferais rien sans le sang de la veine que sont les camarades ! Toujours là pour des conseils, pour remonter le moral, pour donner un coup de main. Chaque militant et militante est une pépite. Chacun et chacune a ses compétences et ses expériences. On se retrouve dans la même adversité, ça soude un groupe.
S’engager, ça veut dire littéralement dire “se mettre soi-même en gage”. Pourtant, je n’ai rien perdu en m’engageant, j’ai même beaucoup gagné : j’ai gardé tous mes potes, j’ai changé de travail sans problème, je me forme intellectuellement et humainement, je me fais de nouveaux et nouvelles amies, je rencontre un tas de gens que je n’aurais jamais rencontré autrement, je prends part à une émulation générale5 , je me bats pour un objectif plus grand que moi, c’est jouissif !6
1 Quelques anecdotes de porte-à-porte :
- Un ouvrier, ancien du PCF, qui nous accueille en nous disant “La FI vous soutenez trop l’immigration [insérer citation de George Marchais]. Mais sur Gaza vous êtes les seuls à vous battre”. Il voulait voter Bardella pour emmerder Macron, mais finalement envoyer Rima Hassan au Parlement Européen lui semblait plus pertinent.
- La grand-mère algérienne toute gentille qui avait besoin d’aide pour ses courses, qui discute dans la cage d’escalier avec nous et qui finit par nous parler en pleurant de son fils décédé. Ça m’a vraiment fait quelque chose 💔
- Le salarié d’un garage auto fatigué de la vie, qui élevait son fils seul, l’emmenait au camping du coin une fois par an. Il était dégoûté par la politique, mais votait pour bloquer les fascistes. Après 20 minutes de discussion, il a fermé la porte avec le sourire c’était cool.
- La mère de famille qui n’était pas inscrite sur les listes électorales, sa fille qui descend en trombe des escaliers et qui nous dit “je suis à fond pour vous, je vais l’aider à s’inscrire”.
2 A propos d’autonomie, d’amitié sexuelle et d’hétérosexualité - Corinne Monnet
3 radicale comme la racine, l’origine des problèmes. On se dit aussi gauche de rupture, notamment de rupture avec le néolibéralisme.
4 Peut-être que le plus dur, c’est d’être dans une injonction paradoxale : on voit le monde partir en cacahouète mais il faut rester cool. C’est pour ça que c’est si important de ne pas rester seul·e !
5 Perso, je milite à la FI, mais il y a plein de manières de s’engager, on peut être dans une asso, un syndicat, un collectif. On peut aller et venir (en tout cas c’est facile à la FI). Et ce n’est toucher que la partie émergée de l’iceberg, combien de gens sont engagés tous les jours par un boulot ? Par exemple les infirmiers et infirmières qui font un travail indispensable, ou à l’inverse, les banquiers qui financent l’ouverture d’une nouvelle mine à charbon. Quand je me dis “mince Léo, t’es vraiment devenu une brute épaisse de militant”, je me rappelle de Bernard Arnault ou de Bolloré qui rachètent les médias à tour de bras et tout de suite après ça va mieux, j’ai encore de la marge.
6 Note bonus : j’ai encore trop à dire ! J’essaierai d’écrire dans un prochain article comment je me suis politisé à gauche.