La journée commence sur les chapeaux de roue (jamais écrit cette expression auparavant, je vérifie l’orthographe), objectif de la matinée : préparer une parcelle de 60m sur 20 pour planter des courges.
J’ai l’air fin avec mes chaussures de rando neuves, ma veste Patagonia comme tel et ma montre un peu chic. En plus, je suis informaticien donc j’ai l’air un peu perdu entre les légumes. M’en fous, je vais bûcher, c’est ça qui compte non ?
Moi en tenue de combat
On part à 5 sur le champ Yannick, Thomas, Loïc, Corine (une ancienne maraichère employée à la ferme) et moi. Dans un premier temps, nous organisons les lignes pour bien suivre le plan des planches et chemins, et les espaces entre chaque plant. Les planches, rangée de plantes, et les chemins s’alternent. Un engrais sous forme de croquettes est versé sur le sol puis nous bêchons la terre avec le larron pour recouvrir l’engrais. Une deuxième équipe passe derrière prendre les cailloux, qui pour certains pèsent leur poid. Je me fais piquer par une tique dans le bras, aucune idée comment elle est arrivée là. Qu’est-ce que je déteste ça . Le travail est physique mais satisfaisant.
Champ de courges butternut et caurat
À midi, Marion nous accueille avec riz assaisonné et caviar d’aubergine. La vinaigrette qui va avec la salade est délicieuse.
Libéré dans l’après-midi, je fais une sieste de 2h. Je me décide à visiter un peu le coin en explorant Saint-Jean-Chambre. Le village est composé d’une école, d’une pizzeria, d’une église et d’un temple protestant (bien que je n’ai pas encore trouvé ce dernier). Je passe devant un éco-hameau, je note qu’il faut que je pose des questions là-dessus par la suite. Je prends ensuite un joli chemin qui passe dans un champ, un endroit très apaisant qui sent bon les aiguilles de pin où souffle une légère brise.
chemin_apaisant.jpg
Je descends dans le bois. L’Ardèche est le paradis des châtaigniers, ça en fait de très belles forêts.
Sentier dans une exploitation AOP de châtaigniers
Je remonte dans le village, et je m’arrête devant une vitrine, où un potier semble vendre ses oeuvres. Une dame sort du logement et vient me voir. Elle est la mère du potier, il se trouve qu’une des sculptures m’interroge, on y voit un homme en train de retirer la couverture d’une femme qui dort en tenant un objet entre ses mains. À première vue c’est une scène érotique qui semble rappeler un mythe grec, mais dans un deuxième temps ça fait aussi penser à scène de viol (ce qui est pour le moins courant dans la mythologie grecque). Elle va chercher son fils Jacques* au jardin. Celui-ci sort de la maison en pensant qu’un de ses potes lui fait une blague. Il est surpris en me voyant et il commence à m’expliquer sa sculpture en donnant des références qui me sont inconnues, je pige rien.
La vitrine en question
Il embraie en m’expliquant que cette vitrine c’est un peu une blague, son amie potière qui met des tasses à vendre 20-30 euros ne risque pas de trouver de clientèle à Saint-Jean-Chambre. Lui a fait le deuil de sa carrière artistique, il invoque l’Internationale situationniste et Guy Debord avec la société du spectacle qui a infiltré les logiques des musées, des critiques et des acheteurs. Il a fait les Beaux-arts de Paris, il a l’air d’avoir vraiment du talent. Il m’invite à boire un coup, ça me fait bien rire de croiser un type comme ça perdu en Ardèche, donc j’accepte avec plaisir.
On continue la discussion sur la corruption de l’art, le statut des artistes et de leur production. Il me raconte qu’il a laissé trop de casseroles derrière lui pour reprendre le travail. Il m’en raconte un exemple : Il a mis ses talents de mouleur à l’œuvre pour le compte d’une artiste de la région. Une exposition est organisée au musée d’Art contemporain de Privas pour présenter le travail réalisé. Le galleriste remercie le musée, l’artiste, les gens venus assister mais pas Jacques qui a contribué à 90% aux œuvres. Jacques se met en rage et détruit tout.
Photo de moi devant le panneau de Saint-Jean-Chambre
Je retourne à la ferme pour le repas d’accueil traditionnel. On mange avec toute la famille. Marion a préparé des lasagnes qui claquent encore une fois. J’ai peur de faire à manger maintenant. Les enfants font un peu les malins mais c’est amusant. La Bretagne prend quelques taquets amicaux au cours du repas mais je défends le fanion.
Tout le monde est un peu crevé donc ça part au dodo rapido.
* Le prénom a été modifié mais bon ya pas trente mille Jacques à Saint-Jean-Chambre