Un des articles que je suis le plus content d’écrire ! Beaucoup de rencontres heureuses ici à Bursa.
Maisons ottomanes de Bursa
Dans mon bus depuis Pergame arrivant vers Bursa, je regarde les hôtels disponibles. Et oui maintenant je planifie vraiment de l’après-midi pour le soir. En contraste avec le début du voyage ou j’avais planifié 3 semaines en avance. Je trouve un hôtel qui est encore un boutique-otel.
La première impression de Bursa est d’arriver dans une ville européenne et très développée, un peu comme Lyon. Je prends un tram pour aller dans le centre, je marche 40 minutes jusqu’à mon hôtel situé sur les contreforts de la montagne Uludağ. C’est un vieux bâtiment de la période ottomane qui fait très chalet. D’ailleurs toute la charpente est en bois. Je monte dans ma chambre située au dernier étage et je ne m’attendais pas à ça, mais j’ai une grande chambre avec terrasse et canapé et vue sur Bursa ! Vraiment il faut que je fasse mes réservations au dernier moment.
Ma vue depuis l’hôtel, on croise les doigts pour que la centrale nucléaire n’explose pas
Bursa est connu pour être la première capitale de l’empire ottoman. Tout un réseau de mosquées et de mausolées pour les membres de la famille impériale a donc été construit ici. Leur visite sera mon programme du lendemain.
Bursa
Je commence par visiter la mosquée verte ainsi que le mausolée vert, ce sont deux monuments tranquillement installés dans un parc calme. Je croise des lycéennes qui m’interpellent en anglais. J’essaie de discuter avec elles mais l’anglais n’est pas encore au rendez-vous. Je leur dis au revoir.
Les moines complotent dans le mausolée vert (ce sont juste des jeunes filles qui doivent porter une djellabah pour rentrer comme moi)
Je traînasse un peu ensuite dans une boutique qui est une vraie caverne d’Alibaba, vendant à la fois des foulards en soie (la soie véritable est une des spécialités de Bursa), des vêtements, des bijoux, des souvenirs en tout genre. Je finirai par acheter un foulard en soie pour ma grand-mère qui semble-t-il est de la vraie soie, donc produite grâce au vers à soie. Une grosse différence avec les autres villes pour l’instant, je suis vraiment un des seuls touristes occidentaux.
Les façades rénovées de cette grande et coquette boutique
L’intérieur de la boutique est encore plus facétieuse
Combien de portraits d’Atatürk selon vous ?
Ensuite, je rejoins le centre et je fais un passage dans le bazar qui ne m’intéresse finalement pas tant que ça surtout que je n’ai rien à acheter. Je me dirige donc plutôt vers la Grande Mosquée. Excellent choix car cette mosquée est radieuse. C’est une gigantesque salle couvertes de 20 coupoles qui donne la sensation d’être rentré dans une agora. Les femmes et les hommes sont mélangés (mis à part pour la prière), les gens se rencontrent et discutent, les enfants jouent. Tout le monde est en chaussette ou pieds nus (pas le mieux pour les champignons mais bon). Au centre de la mosquée se trouve une grande fontaine éclairé par un puit de lumière. Je demande à un vieux monsieur croyant de m’expliquer à quoi sert la fontaine, mais il ne parle anglais. Ça lui a fait plaisir que je lui adresse la parole malgré tout et il me sert chaleureusement la main. Toute cette atmosphère est agréable. La mosquée est également beaucoup plus remplie que les autres. Je m’assois au sol et je reste un moment contemplatif.
Grande mosquée de Bursa, la fontaine des libations est tout à droite
Alors que je m’apprêtais à partir, je recroise la lycéenne qui m’a interpellé tout à l’heure ! Elle revient discuter avec moi toute contente avec ses camarades de classe. Je crois qu’elles s’appelaient Eluf, Efe, et Oluke. C’est ce que j’ai noté en tout cas. Au final, elle demande si on peut prendre une photo tous ensemble. Aucun soucis pour moi, on se retrouve donc à prendre la photo en plein dans la mosquée. Je ne m’y attendais pas ça c’est sûr. J’aurais du demander à avoir ma photo moi aussi.
La grande mosquée sur les contreforts d’Uludağ
Je quitte la mosquée tout content de cette interaction et je me rends vers la ville haute. Rien de très intéressant en soit par là mis à part les fortifications. Cependant en traversant cette partie de la ville, je tombe sur un opticien. Hors justement, j’ai besoin de voir ce que je peux faire pour mes lunettes car celles-ci semblent rayées pour de bon et la rayure me gêne constamment. Au final je rencontre quelqu’un de très sympathique qui m’explique qu’il faut refaire les verres et qu’en 15 minutes cela peut être fait. Je suis un peu réticent au début car mes verres sont un peu différents, et puis il m’annonce le prix : 500₺ soit 17€. Là clairement, ça ne me coûte rien d’essayer et de conserver les anciens verres si jamais vraiment ça ne va pas. Il reprend ma vue, m’offre le thé, et discute avec moi. Il est originaire de Bursa mais a vécu à Istanbul. La ville ne lui a pas plus, trop de foules. Il est revenu ici, c’est plus calme mais rêve d’habiter près de la mer. Bref il installe mes nouveaux verres et me fait essayer la paire et je revis instantanément. Quel plaisir de voir clair à nouveau !
Ancien caravansérail dans le bazar, où les gens viennent se reposer
Je me rends ensuite au complexe funéraire de Muradiye. Plein de mausolées répartis dans une sorte de parc adjoints de tombes un peu particulières. Je suis en train de me dire que je ne connais pas du tout le culte funéraire des musulmans. Wikipédia m’informe que la charia préconise l’enterrement. C’est drôle, je n’ai vu quasiment aucun cimetière musulman mis à part celui-ci. Où sont enterrés les musulmans ?
Parc dans lequel se situent les mausolées
Les tombes ne sont pas couvertes, c’est simplement du sable qui remplit le bac. Les murs sont recouverts de céramique dans la partie basse tandis que le plafond est blanc avec une fresque simple au plafond
Un autre mausolée parmi les plus décorés et les stèles funéraires musulmanes
Les mausolées sont beaux et variés mais ils restent très sobres. Cela vaut également pour les mosquées. Rien à voir avec le faste que j’ai pu admirer en Iran. Il y a une très forte résonance dans les mausolées, je me mets donc à chanter la Blanche Hermine pour tester l’acoustique.
Abis le communis
En fin de journée, je me pose dans un bar restaurant recommandé par le Routard qui a un petit style rétro et surtout qui a une magnifique vue sur la vallée. J’active la fonctionnalité Couchsurfing Hangout. Petit rappel, Couchsurfing, c’est une appli qui permet de dormir gratuitement chez des gens sur leur canapé. La fonctionnalité Hangout permet juste de rencontrer des gens qui voyagent également. Peu de temps après, Abis me contacte sur Couchsurfing Hangout, et je lui propose de me rejoindre au bar restaurant. Il arrive 30 minutes plus tard. Sur son profil Couchsurfing, on comprend qu’il est turc, qu’il est réalisateur et scénariste et qu’il a participé aux manifestations de la place Taksim.
Pour rappel, les manifestations de la place Taksim à Istanbul ont eu lieu contre la construction d’un centre commercial dans le quartier de Galata à la place du parc Gazi. Les manifestations se sont dirigées directement contre Erdogan, et le mouvement a pris de l’ampleur dans tout le pays. Erdogan a du renoncer au projet à terme.
Mon sherbet, une boisson très légèrement sucrée sans alcool et ma compotée de champignons
Abis n’a pas beaucoup de références sur Couchsurfing, simplement quelqu’un qui le décrit de cette manière : “C’est un artiste”. Exactement le type de personne qui m’intéresse. Il s’installe donc à ma table commande un thé, et commence de but en blanc à me raconter “Je reviens de 2 ans d’exil en Amérique du Sud. Là j’étais en garde à vue pendant une journée au poste frontière parce que la police me recherchait. Heureusement ma mère et mon ex-copine sont venus me chercher.”
??? 😳
Je lui demande de commencer par le début, c’est beaucoup pour moi d’un seul coup. Abis m’explique donc qu’il a réalisé un film très critique vis-à-vis du gouvernement, et qu’il l’a diffusé sans leur accord. De plus, ce film comportait de la pornographie. Et je crois comprendre que lors d’une projection, une performance a lieu à la fois à l’écran et sur scène. L’Etat turc intente donc un procès à son intention, il a déjà eu des audiences auxquelles il a participé mais le procès en lui-même ne semble pas avoir abouti. Il en a donc profité pour prendre ses clics et ses clacs et partir de Turquie avant de terminer dans les geôles d’Erdogan.
En Amérique du Sud, il a enseigné la philosophie, le cinéma et participé à des projets alternatifs. Il a également fait un tour à Cuba. Car oui Abis est communiste et ne s’en cache pas. Je n’arrive pas très bien à savoir quelle sauce de communisme encore. D’ailleurs quand il me dit ça, une connexion se fait dans mon cerveau, bon sang mais bien sûr, je parle au Usul turc ! Il lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Il a même exactement les mêmes lunettes ! C’est dingue quand même. Pour info : Usul est le youtubeur de gauche le plus célèbre en France.
Le visage du fameux d’Usul ou celui d’Abis comme vous voulez
Il revient donc en Turquie même si les risques sont grands pour lui, car son pays lui manque, c’est toujours bizarre d’être un expatrié, c’est ici qu’il veut mettre en œuvre son énergie militante. D’ailleurs son projet, deux jours après être arrivé est le suivant : il souhaite aider le parti CHP (principal parti d’opposition, social-démocrate), en parcourant la Turquie et en diffusant des films à leur compte. En lisant la fiche Wikipédia, je lui fais savoir que le parti est quand même historiquement anti-communiste (Atatürk était résolument anti-bolchévique et anti-fascisme, mais j’y reviendrai). C’est un détail à résoudre plus tard, pour l’instant il lui faut un travail pour acheter son pain.
D’ailleurs, j’ai du mal à m’y retrouver dans les partis politiques turcs, il y a l’AKP, le parti d’Erdogan, le CHP, et après c’est un peu flou. J’ai entendu parler du parti communiste turc, mais il y en a bien 3 déjà qui pourraient correspondre à cette définition. Il y a les verts mais qui ne servent pas à grand chose comme d’habitude. Il y a des partis d’extrême-droite également mais l’AKP peut être inclu dans cette catégorie. Et sur cette liste, impossible de trouver mention du PKK, le parti des travailleurs kurdes. Donc je pense qu’il faut comprendre le système électoral turc comme un système bipolaire avec l’AKP et le CHP.
Autre chose à laquelle je pense, mais je ne vois aucun mouvement anarchiste. Aucun Ⓐ barré dans les rues, aucun squats, aucune affiche. Est-ce que l’anarchisme s’est diffusé uniquement en Occident ?
La vue depuis le restaurant
Il a un deuxième projet si jamais le premier n’abouti pas. Dans le sud de la Turquie, dans la forêt d’Akbelen, près d’Ikizköy, un projet d’installation d’une mine de charbon est en cours. De nombreux militants écologistes et d’opposition se sont donc mobilisés pour empêcher le projet et faire barrage par la même occasion à Erdogan. Abis souhaite donc s’y rendre et participer aux manifestations pour reproduire le succès de la mobilisation contre le projet du parc Gazi. Il me propose de venir avec lui. “C’est pas loin, c’est seulement à 4h”. Je reviens justement de la région où a lieu le projet !
Cliquez en bas à gauche pour voir les photos satellite, on aperçoit les travaux pour la mine
Il me propose plusieurs fois de venir avec lui. En vrai si ça avait été plus près j’aurai peut-être été tenté d’y faire un saut… Mais en n’ayant aucune information sur mes droits, sur ce qu’il peut m’arriver si jamais je me fais choper (est-ce que je serai retenu en détention ? Est-ce qu’on me ramènera à la frontière avec interdiction de revenir en Turquie par la suite ? Est-ce qu’on m’enlèvera mon passeport avec interdiction de sortie du territoire ?), je refroidis. Déjà qu’en France, à Paris, les renseignements généraux ne sont pas tendres avec les manifestants arrêtés et se permettent de consulter un téléphone non bloqué pour vérifier s’il contient des preuves de rébellion, je n’ai pas trop envie de connaître les méthodes turques.
Quoiqu’il en soit, il souhaite mettre un peu le boxon dans le temps imparti avant son procès avant de s’exiler en Russie, “là où il y a eu le vrai communisme”. Je demande à Abis d’ailleurs pourquoi il m’a contacté alors qu’il vient juste de rentrer : “J’ai vu que tu avais écrit « militant politique » sur ton profil donc ça m’intéressait de discuter.” Après coup je pense qu’il cherchait également quelqu’un avec qui aller à Akbelen, n’ayant plus trop de connaissances à Bursa.
Il me parle également des manifestations de la place Taksim et du slogan “Everywhere is taksim, every is resistance” . J’ai mis en annexe de l’article le documentaire qu’il m’a recommandé si vous souhaitez en savoir plus sur ce mouvement.
Il relève à un moment un peu le pantalon de sa cuisse, je vois un escarre pas très beau. Il m’explique qu’il est tombé il y a longtemps d’un muret et s’est fracturé le tibias, il vit maintenant avec des tiges en titane dans la jambe mais que parfois ça s’infecte de nouveau. Il boîte un peu quand il marche, ça note aussi son caractère.
Pour l’instant peut-être à la manière dont je le décris vous imaginez le militant le plus sérieux et déterminé, moi je rappelle de quelqu’un de très léger, d’un peu erratique et de grivois. Ça part dans tous les sens, on ne sait jamais ce qu’il va dire à la phrase suivante.
Il me propose qu’on aille se poser dans le parc juste à côté avec des bières et de continuer à discuter. Chaud ! Après qu’il ait acheté des bières et moi, une boisson vaguement limonadeuse, on va se poser au Kultur Park. Sa mère nous rejoint également. Abis a zéro filtre avec sa mère, c’est vraiment sa pote. Elle lui demande pourquoi est-ce qu’il m’a contacté, réponse de l’intéressé : “C’est pour l’enculer”. Moi ça me fait rire, la discussion continue normalement, je lui demande ce qu’elle fait dans la vie. Elle est professeure d’anglais à la retraite mais donne des cours d’anglais à distance pour des enfants au Quatar (je crois), ça lui est arrivé de s’y rendre mais la chaleur y est vraiment trop forte. Elle se plaint beaucoup de l’inflation, ce qui est plus que normal.
Abis propose aussi à son cousin de nous rejoindre. Son cousin est apparemment la référence d’Abis quant aux théories de désobéissance civile. Il arrive avec sa femme. C’est la première fois que les deux bonhommes se voient depuis 2 ans. Mais qu’est-ce que je fous là ? J’aime bien ce genre de situation, Abis veut que je reste.
Naturellement, la discussion tourne au turc surtout que le cousin et sa femme ne parle pas très bien anglais. Cependant celui-ci est un grand fan de culture française. Pour dresser un portrait de lui en deux mots : il aime Céline et Noir Désir. Ils me font écouter des musiques turques et je leur mets également des musiques françaises. J’arrive à savoir que le cousin est ouvrier dans une usine d’aciérie. Il me conseille les auteurs turcs suivants : Azîz Nesin, Ferhan Sensoy, Hakan Gunday, Mevlana.
Je dis au revoir au revoir à toute la famille, je prends le métro pour rentrer à l’hôtel. Je rencontre trois adolescents en attendant la rame. Ils vont tous rentrer à l’université, ils ne parlent pas très bien anglais mais ils sont quand même contents de me parler et on échange les numéros.
Sacré soirée !
Chasse à l’ours
Aujourd’hui, je vais à la montagne. J’ai décidé de faire un peu de randonnée. Je n’ai aucune idée de ce que je vais faire comme tour, j’ai cherché comme je pouvais sur internet, mais soit les randos à la journée sont de l’autre côté de la montagne, soit il faut carrément prévoir une rando de plusieurs jours. Je décide de voir sur place. Je prends quelques affaires, un pique-nique et un bâton et je prends un dolmus jusqu’au téléphérique.
Dans le bus, je rencontre une syrienne qui travaille justement au téléphérique et qui propose de m’y accompagner. Elle a quitté la Syrie il y a déjà 9 ans et s’est fait un nid à Bursa. Pas trop le temps de discuter avec elle, on est déjà arrivé. Je prends un ticket de téléphérique, et je savoure le thé qui m’a été offert par l’office de tourisme devant la vue avant de monter dans une cabine. Aucun des employés ne peut me renseigner sur les chemins de randos. C’est pourtant un parc national là-haut !
Vue sur Bursa en prenant les œufs
Je prends le téléphérique, on peut s’arrêter à deux stations mais je décide d’aller tout en haut. Première sensation quand on arrive au sommet, qu’est-ce qu’il fait froid ! Il y a un petit vent, il fait bien 10° ressenti. Je n’ai pas du tout prévu de petit laine. Je me rends à l’accueil du parc et je leur demande les chemins de rando mais il me donne un vieux flyer (vieux dans le sens nul) qui n’indique rien d’autre que les routes goudronnées. Je vais m’asseoir sur un canapé pour évaluer mes options. Pendant que je regarde sur Komot les possibilités, un gardien vient me voir et me montre sur son écran en Google Traduction : “Interdit de sortir des sentiers.” Ok c’est vraiment nul comme parc national. Je comprendrai plus tard pourquoi.
On arrive au sommet !
Je vous conseille pas l’hôtel, il est un peu …
Finalement je mange mon déjeuner et je décide de descendre la montagne en ligne droite. J’arrive devant un camping et je trouve mon chemin, seulement un panneau me prévient : “Attention animaux sauvages : aigles, loups, ours”. Ils ne doivent pas se trouver sur le chemin donc c’est parti, en plus l’heure tourne.
J’ai un peu peur pour l’articulation de mon genou, quand c’est de la descente comme ça, une blessure que je me suis faite dans le genou gauche refait surface. Sans compter que mes genoux se mettent à trembler. J’ai mon bâton qui fait soutient et j’ai moyen de prendre un raccourci en revenant au téléphérique.
Si l’Islam était né en Suisse
La balade est vraiment nulle. Il n’y a rien à voir, c’est du chemin de forêt qui descend tout droit, il n’y a pas de point de vue, pas de clairière, pas de ruisseau, pas de fleur. Je ne croise personne, vraiment personne. Et détail étrange, la forêt est silencieuse, pas un bruit d’oiseau, pas un criquet, rien, niet, nada. Je pense au film Alien Covenant de Ridley Scott dans lequel des explorateurs arrivent sur une planète constituée de forêts mais sans aucun sons d’animaux.
En gros voilà à quoi ressemble 90% du parcours, jamais un trou pour voir le soleil
Je m’arrête faire une petite sieste sur le bas côté, vu que je suis rentré tard la veille et que je n’ai pas beaucoup dormi. Ça va un peu mieux mais on est pas au bout du chemin. J’arrive quand même une fois à avoir un aperçu sur Bursa.
J’ai pu volé ce cliché à la montagne, mais j’étais déjà bien en bas
Après être passé enfin par ce seul point du vue du chemin, j’arrive en bas saint et sauf. Enfin j’arrive plutôt dans ce qui ressemble à un petit village.
En passant sur le chemin qui mène au village, je vois une petite famille qui est en train de se filmer dans un jardin rempli de montage en bois. Je dis bonjour, et je vois un petit panonceau avec écrit “Camp Archery.” Parfait ! J’ai fait un peu de tir à l’arc quand j’étais au collège, je vais leur taper un peu la discute. Trop sympas, ils m’accueillent et me proposent de boire un thé. Il y a le père, sa sœur, le fils et la fille. Le père parle un peu anglais mais pas suffisamment pour que la discussion soit fluide donc ce sont les enfants qui se chargent de la traduction.
Ils m’expliquent un peu leur projet : ici c’est un camp d’entraînement survivaliste. Le but est d’entraîner les enfants à grimper à la corde, à faire des tractions, à reconnaître les champignons, à tirer à l’arc, ce genre de choses. C’est surtout le projet du père qui s’est reconverti en professeur de survivalisme.
On parle également un peu politique, ils détestent tous Erdogan (Tayip comme ils aiment dire). Je leur demande pourquoi les gens continuent de voter pour lui, réponse laconique : “parce qu’ils sont bêtes.” J’aurais du mal à obtenir plus d’informations. Je demande ce que les enfants veulent faire comme métier plus tard, le garçon qui a 15 ans ne sait pas encore et la fille de 17 ans veut devenir présidente. Au moins le ton est donné !
Ils sont curieux également du parcours que j’ai fait dans la montagne. Je leur explique mon trajet, mais je leur dis que je suis un peu déçu parce qu’on ne voyait rien, et surtout je leur confie mon étonnement d’être dans un forêt complètement silencieuse. Le père me regarde avec un regard sérieux, “il devait sûrement y avoir un ours dans le coin. Les oiseaux et les insectes fuient les ours.” Je suis un peu surpris, il n’a vraiment pas l’air de rigoler. C’est sûrement vrai donc. Bon de toutes façons, je suis encore vivant à priori, j’ai laissé un moi dans un univers parallèle se faire éventrer par un ours. Je réponds en blaguant “Entre l’ours et moi, s’il y en a bien un qui doit avoir peur c’est l’ours !”, ce à quoi j’ai le droit en guise de leçon de la part du père “Il faut être stupide pour ne pas avoir peur des ours.” Le diagnostic est sans ambiguïté donc !
La petite famille presque au complet !
Je les quitte en très bons termes, je leur laisse mes coordonnées et le fils m’amène au bus qui rejoint le village.
La famille d’Ömer
Je prends le bus exactement au moment où il allait partir. Je me retrouve assis juste à côté d’une famille de 5 personnes. Le père m’adresse la parole en anglais, on arrive à se comprendre. Il me demande d’où je viens, pourquoi je suis venu à Bursa, si j’aime bien la ville et quel endroit j’ai préféré en Turquie (je réponds Bursa évidemment). Puis a lieu le petit échange suivant :
“- Tu as quel âge ?
- J’ai 28 ans.
- Ah oui, et tu es célibataire ?
- Oui pourquoi, tu veux me marier ?”
Pas eu trop de réponse, mais il avait certainement une idée derrière la tête. Je lui demande les meilleurs endroits où aller en Turquie, il me conseille particulièrement Mardin, une très vieille ville située à la frontière avec la Syrie. En soi pourquoi pas, mais c’est situé de l’autre côté de la Turquie.
En arrivant à la station de bus, il m’aide à prendre mon bus pour ma prochaine destination. Il prend aussi mon contact, il est vraiment très content de m’avoir rencontré. Je lui dis de venir en France et de me contacter, mais il m’explique que la situation économique du pays ne lui permet de partir. J’espère le recroiser malgré tout un de ces jours !
Ils ont également insisté pour que je prenne une photo avec leur bébé !
Coran
Je devais aller directement aux Thermes, mais le logeur veut que je passe au plus tôt pour payer ma chambre. Avant d’aller à l’hôtel, je fais un crochet à la mosquée verte. Je me décide de récupérer une version du Noble Coran pour moi-même, que j’avais repéré dans la mosquée. Je rencontre un ingénieur électronique qui parle parfaitement français et qui est en charge de garder la mosquée ce jour-là. Il m’explique un peu l’Islam et le Coran, me demande de bien prendre soin du livre, de ne pas le prendre avec des mains sales par exemple. Et il m’offre deux éditions du Coran toutes les deux traduites en français (la première avec la version originale et la deuxième seulement avec la version traduite).
La jolie mosquée verte
Bains turcs
Dernier jour à Bursa, je me rends à Yeni Kaplica Erkekler Hamami, les bains construits à la demande Soliman Le Magnifique. L’eau chaude provient de sources environnantes. Aller dans un bain turc est tout un rituel et je n’ai pas les codes. Tout d’abord, au guichet je prends l’option bain + massage. On me donne une serviette et des slippers (des sandales en plastique). Il faut se changer dans le hall d’entrée dans une cabine en bois qui ressemble à une cabine de train. Ici on garde le maillot de bain, mais apparemment dans les bains d’Istanbul, on peut y aller tout nu. Les bains sont séparés entre hommes et femmes, celles-ci sont dans un tout autre bâtiment. Je rentre dans une jolie première salle octogonale qui ressemble à un hammam classique, il fait chaud et humide mais ça va encore largement. Une piscine se trouve en son centre, la décoration est très sobre.
Le bâtiment des bains vu de l’extérieur, j’y suis allé le soir une première fois mais il fermait l’accès
Je suis un peu perdu et je sais pas trop ce qu’il faut faire. Je demande de l’aide à mes congénères turcs, aucun ne semble savoir parler anglais, mais ils sont de bonnes volontés. Je tombe donc sur un kurde qui m’accompagne. On se rend en premier lieu dans une salle plus petite qui est en vérité le vrai hammam. Dans cette pièce l’humidité est à 100%, la température de plus de 50°C, il est recommandé de ne pas y rester plus de 5 minutes. J’y reste environ 3 et je prends un gros coup, je sue à grosse gouttes, j’ai du mal à ouvrir les yeux. Nous revenons dans la grande salle et nous allons à la fontaine qui alimente la piscine, l’eau est brûlante mais il m’indique qu’il faut passer la tête sous l’eau. Je m’exécute, c’est un nouveau choc (je ne brûle pas je vous rassure). Après ça, il m’explique qu’il faut s’allonger ou se reposer. Dans tous les cas, je suis incapable de faire quoique ce soit, ma tension chute, j’ai des fourmis dans le visage et la tête qui tourne, je m’allonge sur le carrelage. Je reviens peu à peu à moi. Je vais chercher une bouteille d’eau glacée dans le hall d’entrée (les accès sont très libres entre les salles), ce qui me permet de prendre un grand bol d’air frais par la même occasion. Je me baigne un peu dans la piscine, c’est tranquille on n’est pas très nombreux ce matin.
Je me décide pour un second round de hammam, celui-ci est plus difficile, je reste KO bien 15 minutes sur le carrelage. Aller dehors est vraiment la seule manière de récupérer.
Je vais ensuite faire le massage que j’ai payé. Tout d’abord on nous lave, on nous enlève grâce à une éponge très particulière la peau morte. C’est impressionnant ce que le masseur arrive à enlever! Ce sont mes deux mois de backpacking qui se concentrent dans ces gros copeaux.
Ensuite il m’immerge dans un bac rempli d’eau et j’attends là bien 5-10 minutes. Il revient me chercher je m’étale sur une table, je me souviens pas exactement du massage, mais certains mouvements sont bizarres comme lorsque, allongé sur le dos, il rassemble mes deux bras en les croisant sur ma poitrine puis appui dessus simultanément comme s’il essayait de les faire craquer. Je le remercie pour le massage, il me suggère fortement de lui donner un pourboire puisque cela m’a plu.
Je retourne dans le hall et on m’embaume de serviettes tel un pacha et j’en profite pour boire un thé tranquillement.
Lessivé mais heureux !
Je retourne au centre-ville manger un iskander, plat traditionnel inventé ici à Bursa. Puis il est temps de quitter la ville et de me rendre à Istanbul !
L’iskander qui sera ma grosse transgression de la semaine à mon régime végétarien