Je prends un bus pour aller à Selçuk, la ville juste à côté d’Ephèse (Efes en turc).
Temple d’Hadrien, les empereurs romains se vouaient un culte et autorisaient à titre honorifique certaines citées à construire un temple à leur gloire très personnelle. Ce qui est énigmatique ici c’est que le déesse représentée sur les deux frontons n’est pas Artémis, mais soit la Méduse soit Tykhé la déesse de la ville dans le culte pré-romain.
Dolmuş
En montant dans le dolmuş, je me retrouve assis à côté de Berkan. Nous passerons 4h assis à côté l’un de l’autre, serré comme des sardines dans ce petit bus complet. D’ailleurs je viens de l’apprendre, dolmuş signifie “rempli”, “plein”.
Berkan est un jeune allemand de 18 ans d’origine turc, nous sommes vraiment différents sur beaucoup de plans. Berkan est fan de foot, de voitures et fait des études de finance. Ça n’empêche pas qu’on s’entende bien. Il me fait toute une liste des villes en Turquie et des quartiers à voir à Istanbul. J’aurais aimé en savoir plus sur le contexte familial de Berkan car il m’a l’air de venir de la diaspora turque (supportant Erdogan ?). En tout cas, il possède déjà une Mercedes à 18 ans (je suis jaloux).
On parle un peu des émeutes en France, et je lui fais passer le message qu’il y a un sentiment islamophobe en France en grand développement et que le fascisme monte. Il me parle d’une attaque de mosquée qui a eu lieu récemment en Allemagne justement par des néo-nazis. Je n’ai pas réussi à retrouver l’attaque dont il parlait, mais toutes les mosquées ont cependant reçu des menaces de mort de la part de groupes néo-nazis et que des projets d’attaque étaient en cours (source La Croix).
Il me montre des photos de la mosquée de Cologne qui a un style qui détonne
Par contre, il commence à déraper en me disant que sur certaines choses — sur le ton de la rigolade — il n’est pas en désaccord avec les nazis, — puis plus sérieusement — comme le fait que les centre-villes ont été remplacés par des arabes. Bon je lui fais remarquer de faire attention parce que je ne pense pas que les néo-nazis fassent de distinction entre les musulmans turcs et arabes et qu’il fera très certainement parti sur la liste.
Ce ne sera pas ni la première ni la dernière fois que j’entendrai de la part des turcs des propos agressifs vis-à-vis des arabes. On ne sait jamais trop si c’est seulement à propos des riches arabes qui achètent toutes les propriétés sur les côtes de la mer noire, ou des arabes pauvres et des réfugiés qui viennent de Syrie ou d’Afghanistan. Pour rappel, la Turquie a signé un accord de 6 milliards d’euros avec l’Union Européenne pour retenir 3,5 millions de réfugiés syriens. Une théorie circule comme quoi Erdogan ouvrirait les frontières aux pays arabes pour permettre d’islamiser la population turque. Franchement c’est possible, tellement Erdogan joue aux échecs en 4 dimensions.
Selçuk
J’arrive à Selçuk, une jolie petite ville où vraiment il fait bon vivre. La ville est très calme, il y a très peu de touristes. Dans mon auberge, je rencontre un coréen dont je n’ai pas retenu le nom et Thanapon, un thaïlandais vraiment amusant qui m’explique qu’il s’est engagé dans un tour d’Europe après qu’un de ses amis soit décédé du Covid. Thanapon adore faire de la randonnée, mais il déteste la chaleur. Il voulait faire la voie lycienne mais ne pensait pas qu’il ferait aussi chaud. Il adorerait aller en Suisse. Je le préviens que la Suisse, ça coûte vraiment une blinde ! Il peut faire des chemins de rando aussi bien en France qu’en Suisse. Mais j’ai l’impression que ça rentre par une oreille et ça ressort par l’autre.
Obligé de photographier les chats et les couchers de soleil. Au milieu, la ruine d’une mosquée qui fait plus ruine maya
Musée archéologie
A Selçuk, je fais le musée archéologique où je découvre les statues d’Artémis qui sont impressionnantes et qui permettent d’imaginer ce que contenait le temple d’Artémis. Et oui nous sommes encore sur les traces des 7 merveilles du monde antique dont le temple d’Artémis à Ephèse est évidemment membre.
Visage de Socrates, figurine de Bès divinité Egyptienne, statue de dauphin en bronze, et origine du Laguiole
Majestueuse statue d’Artémis. Elle est recouverte en fonction des scientifiques de mamelons ou de testicules, dans tous les cas symbole de fertilité.
Buste de la deuxième statue
Ephèse
Ephèse a une histoire riche et mouvementée qu’il m’est difficile de résumer ici. Je vous renvoie vers le très documenté article Wikipédia. Mais je vais quand même faire de mon possible pour vous en donner un aperçu.
Si c’est ça le Cerbère gardant l’entrée des enfers, alors on y rentre et on en sort vraiment comme dans un moulin.
Avec mon coloc coréen, on se lève très tôt pour aller visiter Ephèse dès l’ouverture et éviter les fluxs de touristes qui viennent d’Izmir. Il faut bien différencier le site de la ville d’Ephèse et le temple d’Artémis qui ne se situent pas au même endroit bien que proches. Mon camarade est un youtubeur qui visitent tous les sites historiques et qui donne des informations.
CAPCHAT Pour vérifier que vous n’êtes pas un robot, merci de cliquer sur tous les chats
Je rentre sur le site et je découvre la grande voie Arcadiane qui reliait la ville au port autrefois. Aujourd’hui la mer est située à 5 km du site ! On aperçoit directement également le grand théâtre d’Ephèse qui pouvait accueillir jusqu’à 24 000 personnes. Donc la ville devait contenir 240 000 personnes à priori (les théâtres pouvaient contenir 10% de la population d’une ville).
Un des plus grands théâtre antique, on voit la voie Arcadiane au fond
Petite animation trouvée sur Wikipédia sur l’ensablement de la baie
Ensuite je remonte la rue de Marbre où l’on peut voir une empreinte de pied indiquant les services et les tarifs du lupanar situé à proximité. En sortant de la rue de marbre, on déboule sur le monument le plus représenté lorsque l’on parle d’Ephèse, la façade de la Bibliothèque de Celsus. La bibliothèque a été construite par Celsus fils en l’honneur de Celsus père, tous deux successivement gouverneurs de la ville. Une savante manière de garder son nom dans l’histoire. Bizarrement la façade est presque aussi grande que la bibliothèque elle-même. La culture, c’est comme la confiture, moins on en a plus on l’étale. En vrai, je sais pas pourquoi la bibliothèque est si petite, mais je pense qu’Ephèse se défend au niveau culture. Elle était la 3 ème bibliothèque du monde après Alexandrie et Pergame avec 12 000 rouleaux.
La très fameuse Bibliothèque de Celsus ! L’étage du haut est légèrement plus court que celui du dessous pour donner une illusion d’optique de grandeur tout en maintenant des contraintes physiques.
La façade est très bien ouvragée, peut-être était-elle peinte ?
Je passe ensuite dans la rue des Courètes et j’aperçois alors en surplomb des troupeaux de touristes qui me foncent dessus prêts à me piétiner sans crier gare. Je me réfugie dans les maisons en terrasse où l’on peut admirer de nombreuses fresques et mosaïques datant de la période romaine.
Les fresques plutôt sobres romaines, on voit aussi une mosaïque à droite
Je ressors, dans la rue des Courètes qui est une des plus belles rues de Turquie où chaque bâtiment rivalise de beauté et de raffinement. Je joue des coudes pour les admirer. On peut y voir des mosaïques, la Nymphée de Trajan, le temple d’Hadrien (voir au début de l’article), le temple de Domitien (condamné de damnatio memorae dont la colossale statue à tête de bébé repose au musée), la porte d’Héraclès et beaucoup de colonnes.
Nymphée de Trajan qui est en fait une fontaine. Elle était recouverte de statues qui sont maintenant exposées au musée de Selçuk. C’est la photo de Wikipédia parce que la mienne était trop pourrave.
Une rue des Courètes bien calme avant l’arrivée des touristes
En ce moment, je lis Le Contrat Social de Rousseau (à cause d’Atatürk, je vous expliquerai pourquoi dans un prochain article) et Rousseau étudie de très près les institutions de la République romaine se rapprochant de la démocratie pour laquelle il a beaucoup d’admiration (il admirait aussi la constitution de Sparte). Je dis ça parce que je ne parle ni ne montre en photo le forum, sûrement l’endroit le plus important de la ville mais aussi le moins impressionnant. Bref il faudra m’intéresser plus profondément à l’histoire romaine qui est un peu une boîte noire pour moi pour l’instant.
Je retourne ensuite sur mes pas et je visite l’Eglise de la Vierge où se tinrent des conciles majeurs au Vème siècle pour la Chrétienté. Les membres du clergé participant au vote n’hésitent pas à mettre à l’œuvre les habitants de la ville en créant des émeutes pour mettre la pression sur l’un ou l’autre parti. L’apôtre Paul aurait prêché entre 52 et 55 à Ephèse et y aurait écrit l’Epître aux Ephésiens tandis que Saint-Jean aurait lui rédigé son Evangile. La Vierge-Marie y aurait vécu la fin de sa vie. Autant dire que cette ville eu une place d’importance majeure dans la chrétienté. Désolé pour les fans d’églises (et je sais qu’ils sont nombreux), j’ai pas de super photos, faudra chercher par vous-même. Voyez par là quand même.
Artémision
Je vais à l’Artémision qui est situé plus à l’Est à l’emplacement de l’ancienne ville d’Ephèse avant que celle-ci ne soit déplacée. Il ne reste malheureusement pas grand chose mise à part une gigantesque colonne qui donne une idée de l’ampleur du temple. Ça valait quand même le coup de faire le déplacement.
Pour mesurer la taille de l’édifice, regardez la personne au t-shirt rouge au pied de la grande colonne au deuxième plan. En haut de cette colonne, vous pouvez apercevoir une silhouette, c’est une cigogne qui y a fait son nid ! A l’arrière plan, on aperçoit la citadelle turque et si vous avez l’oeil très aiguisé, les colonnes de l’église Saint-Jean.