💸 Le cash à Kaş 💸 - Turquie

Rien à voir avec le contenu, fallait juste que je trouve un titre pour cet article. Bientôt la fin des 10 jours à Kaş, on en profite pour se reposer et discuter.

coucher de soleil Crépuscule lunaire

Nuit mouvementée

En revenant à l’hôtel, je me retrouve encore une fois tout seul dans ma chambre. 5 lits de vide ! Cette fois-ci j’ai vraiment l’impression que je vais être tout seul. Je m’endors paisiblement. Quand soudain à 2h du matin, j’entends la porte s’ouvrir, et des personnes s’engouffrer dans la salle de bain. J’entends que ça s’embrasse et très bientôt j’entends des petits couinements. Bon bah faites vous plaisir les amis… Et bim j’ai le droit à un second tour…

Ils viennent ensuite se coucher, mais moi je n’arrive pas à dormir, je vais faire un tour dehors. Je retrouve Tulburk (je crois que c’est le nom mais je l’écorche sans doute), et je lui raconte ces péripéties.

La musique préférée de Scarlett, je suis devenu accro aussi

Natation

Le lendemain, je suis un peu claqué et je profite du petit déjeuner pour commérer allègrement. Le programme de la journée c’est d’aller nager pour rejoindre une plateforme.

nage Je suis un peu blancos quand même

On se rend à la plage et on s’élance. On y arrive c’est juste une sorte de bouée. On revient et on va se poser dans l’herbe. Entre-temps, j’apprends un peu plus sur Paul-Henri. Il veut se rendre en Iran, mais c’est très difficile d’obtenir un visa en ce moment (tu m’étonnes). Il en est à sa deuxième demande et il utilise une sorte d’agence pour faire l’interface cette fois-ci. Son vrai projet est de faire la route de la soie. Egalement Paul avait comme boulot un travail de consultant en stratégie d’entreprise. Il est bien content d’arrêter, il a l’air d’être sur une vibe de gauche, même s’il garde quand même la fibre de l’école de commerce. Il a travaillé un peu pour le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés et est allé en Irak contrôler les comptes. Là-bas il a pu se rendre compte de la corruption évidente. Voici un bon exemple qu’il me raconte : en vérifiant l’utilisation d’une somme d’un million de dollars qui devait servir à la construction d’une école, il s’est retrouvé face à un terrain vague. Il réfléchit à travailler après son voyage à l’Agence Française de Développement.

Betul et Paul-Henri Paul-Henri, Betül et moi

De même, Betül est aussi quelqu’un (quelqu’une ?) de très intéressante, elle a étudié le commerce dans ce qui semble être l’une des meilleures universités de Turquie et a travaillé pendant 6 mois à Paris. Elle a détesté cette dernière expérience, elle semblait plongée dans environnement toxique et chargée de missions mal dégrossies. Elle a un peu rayé la France de la carte après ça. De retour en Turquie, elle n’a pas voulu continuer dans le business (Betül ne ressemble pas vraiment à une business woman). Elle se cherche en faisant du volontariat pour l’instant dans les auberges comme ici à Kaş. Plus tard en discutant avec elle et Tulburk, nous aborderons les sujets plus politiques.

Colonisation

En rentrant à l’auberge j’ai retrouve une américaine d’origine cambodgienne qui est astrologue et qui écrit un livre sur le sujet. Pour l’instant mes interactions avec elle se sont toujours mal passées. J’hésite un peu à raconter cette histoire mais ça fait partie du voyage. Si jamais tu lis ceci chère amie, ma boîte mail est ouverte.

La première fois que je la rencontre, elle me demande d’où je viens, je lui réponds de France, elle me fait une première blague bien piquante sur la France pays colonisateur dont il m’est impossible de me souvenir. Je suis un peu désarçonné mais après tout c’est normal, je lui dis qu’on peut en discuter, mais elle n’a pas l’air de vouloir. Puis en voyant mon t-shirt Decathlon, elle tente de se rattraper en disant que Decathlon est sûrement une des seules choses que la France ait faites de bien…

Deuxième épisode, je suis assis à côté d’elle sur un transat, et je ne sais plus comment j’en viens à dire que j’ai un blog. Elle veut y jeter un coup d’œil donc je lui donne l’adresse. Elle le parcourt, je lui demande ce qu’elle en pense. Réponse : “Ah non je voulais juste le voir pour en dire du mal.” Je l’avise donc que cet échange terminera dans le blog (je gagne à tous les coups).

Troisième épisode, à la piscine, elle explique que les turcs n’apprennent pas de seconde langue à l’école car c’est un pays qui ne s’est jamais fait coloniser, je lui rétorque que la France non plus n’a jamais été colonisée mais que nous apprenons au moins une langue supplémentaire (juste pour lui faire remarquer que les causes sont peut-être ailleurs). Oui mais la France est beaucoup plus petite que la Turquie me répond-elle 🤨
Plus tard, elle racontera le même récit à une amie américaine en mettant ses paroles dans la bouche d’un autre et en s’offusquant du colonialisme des propos.

Quatrième et dernier épisode, un soir, je sors du dortoir pour aller rejoindre le bar de l’auberge avec mon t-shirt de bière Angkor Vat, du nom du temple cambodgien évidemment (pas mon meilleur move). Dès qu’elle me voit avec ce t-shirt, elle me demande sur un ton sarcastique “Est-ce que tu as un t-shirt de tous les pays que la France a colonisé ?”. Là, ça m’énerve un peu, j’ai même pas eu le temps d’ouvrir la bouche que je me fais taxer de colonisateur.

Ok, je connais pas son parcours de vie ni celui de ses parents, peut-être ont-ils fui la colonisation française ou les khmers rouges. Mais elle n’a franchement pas envie de parler, elle me prend juste pour son punching-ball et m’envoie des skuds. Je peux aussi jouer à ce petit jeu. Elle est américaine avant d’être cambodgienne. Est-ce que je lui demande à elle comment ça va le blocus sur Cuba et le Venezuela ? Si elle ne prépare pas un petit coup d’Etat dans le coin dont seule la CIA a le secret ? Plus gentiment, je lui fais la remarque qu’à chaque fois que je l’ai vu, j’ai eu le droit à une remarque un peu épicée contrairement aux autres américains qui généralement arrondissent les angles. Selon elle, c’est parce que les européens ont des à priori sur les américains et que ça l’agace. Les Etats-Unis sont un pays avec une grande diversité blablabla. Je ne peux pas m’empêcher de répondre : “oui je sais, mais parfois les ricains… Mieux vaut que je me taise, je suis fatigué, je vais dire des choses que je vais regretter.”

On ne s’adressera plus la parole ensuite.

Dernier jour à Kaş

Pour mon dernier jour à Kaş, je comptais me rendre dans la ville romaine d’Arycanda. Mais finalement, j’annule le plan parce que personne ne veut me suivre et qu’en scooter ça fait quand même très loin (1h45 juste pour l’aller).

Je me rends tout simplement dans Kaş, où je n’ai pas encore visité les tombeaux lyciens troglodytes. Pour les trouver, il faut un peu escalader mais j’adore ça. En plus j’obtiens une très belle vue de la ville.

tombeaux lyciens Tombes lyciennes troglodytes

Pour mon dernier petit déjeuner, je discute avec Betül et Tulburk, la discussion tourne assez rapidement politique. Betül a participé à des manifestations dans son université contre la main-mise d’Erdoğan sur l’attribution du poste de directeur. Erdoğan a apparemment choisi la pire personne possible pour diriger l’université. Professeurs et élèves se sont insurgés contre la décision en manifestant et en bloquant l’université. Résultat, deux des amis de Betül ont été emprisonnés pour l’exemple, ils sont sortis après un an de prison. Le seul avec lequel Betül a gardé contact est devenu addict à la drogue.

Je leur demande pourquoi Erdoğan arrive à se faire réélire à chaque fois, Betül m’explique qu’il y a encore un fort courant islamique qui prend un peu sa revanche sur les années Atatürk, pendant lesquels la religion musulmane a été refoulée de l’appareil d’Etat. Suivant le modèle français, Atatürk a transformé l’Etat turc en Etat laïque. Il a notamment convertit Agia Sophia de mosquée en musée et surtout a interdit le port du voile aux femmes fonctionnaires (et le port du fez aux hommes).

Je n’arrive pas très bien à comprendre si la Turquie d’aujourd’hui est divisée par sa géographie, par ses classes sociales, par ses ethnies ou simplement par la religion. En tout cas, cette dernière semble jouer un rôle, ce que l’on retrouve dans les cartes de résultats aux élections où les régions plus attachées à un islam rigoureux votent pour Erdoğan. Attention cependant à ne pas réduire à un facteur monocausal ! C’est peut-être plus, une division entre la population à tendance autoritaire et son opposé. Je mets cet article du Monde Diplo [Effervescence féministe au Proche-Orient] qui donne de bonnes cartouches pour comprendre les rapports entre féminisme et islam et qui permet de comprendre que la religion n’est pas en soi le principal facteur d’opposition.

Et puis surtout, toujours par rapport à l’islam, Tulburk et Betül m’expliquent qu’il y a des enjeux financiers très importants, mais que dans le même temps, la jeunesse commence à se détacher de la religion.

Par ailleurs, j’ai du mal à comprendre quelles sont les activités militantes autorisées en Turquie. Les dernières élections ont eu l’air de bien se dérouler, avec une fraude limitée. Mais dans le même temps, depuis la France il semble que la moitié de la population de Turquie est en prison. De leurs explications, les rassemblements sont interdits mais il est tout à fait possible de militer dans un parti et de distribuer des tracts. J’apprends également que les syndicats sont vraiment très faibles en Turquie. J’ai presque envie de demander, pourquoi Erdoğan s’embarrasse-t-il d’élections ?

Pour terminer Betül m’avoue qu’elle est socialiste, et ça me fait chaud au cœur de retrouver une camarade à l’autre bout de l’Europe. Donc je leur parle un peu de la situation en France également.

Je pars prendre mon bus, et je tombe sur Camille, une autre française qui était arrivée dans l’hôtel. Camille est vraiment impressionnante. Elle est haute comme trois pommes et pas très musclée mais ça ne l’empêche pas de voyager comme si le monde lui appartenait. Elle est kiné, mais son projet est d’acheter un bateau pour faire une transatlantique. Elle a déjà l’habitude de faire du cabotage. Enfin pour l’instant elle fait du stop à chaque port, mais je la retrouve à l’arrêt de bus parce que le stop au port ne s’est pas avéré fructueux. Elle préfère tenter sa chance avec l’autostop et rentrer dans les terres. Elle en a déjà fait en Albanie, et pour s’épargner toute agression sexuelle, elle disait tout simplement qu’elle était mariée. Elle n’a pas froid aux yeux et je pense qu’on peut aisément lui décerner la palme de l’aventurière.

Paul-Henri Depuis la terrasse de l’auberge, je fais des photos de Paul-Henri pour son profil Tinder