J’ai un défi de taille, nous sommes le 3 août à Istanbul et je dois rallier Hambourg pour le 5 sans prendre l’avion. La distance à parcourir à vol d’oiseau est donc de 20.000 km.
Mon train pour tout le voyage. Ou plutôt le tram de Sofia.
En passant beaucoup de temps à chercher les différentes configurations entre le train et le bus, je tombe enfin sur une option qui me convient bien :
- le 3 août : je pars au soir en bus avec la société Arda Tur pour Sofia
- le 4 : je reprends un bus de la même compagnie pour Prague
- le 5 : depuis Prague, je prends un train direct pour Hambourg et j’arrive à 17h.
Je vais donc passer deux nuits d’affilée dans un bus. Il fallait bien que cette expérience se retrouve dans mon blog.
Le départ
Le 3 août, je trouve mes derniers cadeaux et hop j’embarque dans un taxi direction la gare routière. Pas grand monde dans le bus, cool je vais pouvoir prendre deux places. Il est confortable, franchement propre, et j’ai de la place pour mes jambes. Nous partons, il est 22h.
Je commence à écrire mon blog sur mon téléphone jusqu’à ce que nous arrivions au poste frontière entre la Turquie et la Bulgarie. Là tout le monde doit poser pied à terre, nous attendons, nous attendons, puis nous passons un par un montrer nos passeports, puis nous attendons, le car est fouillé et nous attendons encore. Je pense que les inspecteurs cherchent principalement des migrants clandestins puisque nous entrons dans l’Union Européenne (mais pas dans l’espace Schengen) et qu’ils ne nous fouillent pas personnellement.
Passagers bloqués, heureusement que frontex est là pour nous protéger et petit selfie parce qu’on est beau en tout temps en tout lieu
Nous repartons enfin à 3h du matin et j’essaie de dormir un peu mais la nuit sera de courte durée dans tous les cas car nous arrivons à 7h à Sofia.
Sofia
Nous arrivons donc tôt à Sofia tôt le matin, je ne suis bizarrement pas trop fatigué. Le bus nous dépose à la gare routière de Sofia, mon objectif est d’acheter mon ticket de bus pour Prague cette fois-ci. Problème toutes les agences des différentes compagnies de bus sont fermées et je ne peux pas acheter en ligne car ma carte SIM turque ne fonctionne pas sur le réseau Bulgare. Dès qu’une agence ouvre, j’en profite pour tirer un maximum d’informations. Je cherche à savoir s’il existe une meilleure alternative que celle de passer par Prague. Il existe peut-être une ligne directe jusqu’à Hambourg, sinon j’avais pensé à passer par Munich. Finalement Prague reste ma meilleure option, un bus part à midi. J’achète un ticket à 8h30 il me reste donc un peu de temps pour visiter Sofia.
Gare routière de Sofia au petit matin
Tout d’abord, je veux pouvoir réinsérer ma carte SIM française RedBySFR dans mon téléphone. Il me faut donc trouver la très très fine pointe qui permet d’ouvrir le socle de la carte SIM. Il y a une gare de train assez proche de la gare routière, je m’y rends donc en espérant trouver une boutique d’opérateur téléphonique.
Sofia se réveille
Je n’y trouve pas de boutique d’opérateur, mais un guichet d’informations. Un type semble tenir le poste. Je me vais à sa rencontre et je lui demande s’il ne connait pas ce genre de boutique dans le coin. Je me rends compte au même moment que le gars a un t-shirt qui part en lambeaux et qu’il a perdu la moitié de ses dents. Tout content, il m’indique qu’il connaît un endroit pour ça et me demande de le suivre. Nous sortons de la gare et nous marchons bien 10 minutes en direction de la ville. Il est gentil mais j’ai quand même un gros sac à dos sur le dos. Au bout d’un moment, il s’arrête et me dit de continuer un peu plus loin où je trouverai la boutique souhaitée. Il me demande un peu d’argent pour l’effort et l’information. Je sors mon porte-monnaie et je lui donne 3€ que j’avais conservé en pièces avant le voyage en Turquie. Il me fait une tête dépitée, et me dit “more more”. Je ne réfléchis pas et je lui donne un billet de 5€. Quelques instants, je réalise que je viens de me faire complètement avoir et je n’ai plus d’argent liquide du tout. En plus, je me rends devant la boutique dont il m’a parlé et celle-ci est fermée.
Statuaire Sofiesque
Bon je suis proche du centre-ville et j’ai encore un peu de temps, je me dis que je vais en profiter pour visiter rapidement, prendre un petit-déj et si j’ai de la chance, changer la carte SIM de mon tel.
Sofia en pleine heure de pointe un jeudi 3 août à 9h du matin en plein centre-ville
Je dois dire que Sofia m’a laissé une forte impression. Vraiment c’est un drôle d’endroit. Les rues y sont très larges et calmes, les bâtiments de type soviétique comme on les aime. Les gens sont habillés de marques bon marché (issues de solderies) mais malgré tout distingué. La ville est de taille moyenne, tout est accessible à pied, mais on peut utiliser les différentes lignes de tramway. On pourrait se croire à Angers ou Le Mans. C’est une capitale humble. Il plane ce matin une atmosphère de bloc de l’est qui me charme.
Le parlement de Sofia, l’église russe de Sofia et la grande mosquée de Sofia
J’ai le temps d’aller voir l’église russe de Sofia qui semble être un des seuls bâtiments réellement remarquables de la ville. J’arrive pendant une cérémonie où le prêtre, son adjoint et un chœur de 3 personnes font office. Je m’installe discrètement. Il n’y a quasiment aucun fidèle. Les chants du chœur embaume l’âme. Je filme une vidéo pour donner une idée du lieu et juste quand je termine de filmer, je me fais gronder par la gardienne des lieux qui me montre les panneaux interdisant de prendre des photos et de filmer.
Finalement j’ai vite fait le tour du centre-ville, je cherche un endroit maintenant pour me mettre quelque chose dans le ventre avant de repartir dans le bus. Or, dans chaque supérette où je me rends, il ne prenne pas la carte. Dans une boulangerie, je suis même obligé de laisser mes victuailles au vendeur. Je vais à un distributeur pour retirer de l’argent, mais le coût de la transaction est supérieure au montant que je veux retirer. Et puis les bulgares n’utilisent pas l’euro mais le lev bulgare. Tout ce que je retire ici doit donc être dépensé ici. Je me résous donc à trouver une autre solution, peut-être à la gare routière, puisque c’est un endroit qui voit passer du monde.
Le théâtre national de Sofia
Je prends le tram pour retourner là-bas mais je n’y trouve rien non plus. Je ferai donc un jeûne ce matin. Je n’ai rien pris à manger avec moi à part les loukoums que je ramène en cadeau. En dernier ressort, il faudra donc que je les attaque.
Une très jolie bibliothèque en plein milieu du parc en face de l’académie des Beaux-Arts (de Sofia)
Je veux me rendre aux toilettes mais encore une fois, il faut payer en lev bulgare ! Je cherche un endroit pour aller au moins faire pipi et je me rends dans ce qui ressemble à un centre commercial désaffecté. Je trouve également un coin pour changer de pantalon. Bon en fait, il y a un peu de passage dans le coin mais c’est pas grave. Un SDF vient me voir, il me demande un peu d’argent. Pas de bol, mon porte-monnaie est vraiment vide de chez vide. Il me demande alors mon pantalon que je viens d’enlever. Je suis un peu gêné parce que la demande me surprend, que je n’ai que 2 pantalons, que celui qu’il me demande est plein de sueur et que j’y suis attaché . Je refuse donc poliment. Le gars est saoulé et s’en va. Ah oui on est vraiment à ce niveau de misère là. Je m’en veux de ne pas le lui avoir donné.
Le Parlement de Sofia vu de plus loin
Je reviens à la gare.Le bus a au moins une heure de retard. Je trouve un coin par terre pour m’asseoir près du départ des bus (je ne veux évidemment surtout pas le rater). Malgré tout je m’endors contre mon sac d’un sommeil que j’ai rarement connu aussi réparateur. Sur le quai, je vois une dame qui fait une sorte de danse avec ses bras. Mais celle-ci n’est clairement pas dans son état normal. Elle a des plaques sur la peau, elle fait vraiment pitié. C’est quelque chose Sofia. Je comprends pourquoi c’est la case Mauve au Monopoly Europe.
Mon bus et la dame bizarre
Enfin notre bus arrive, ça prend encore un peu de temps mais on part finalement à 14h. Direction Prague.
PS : si toi aussi tu es un grand amateur d’architecture monumentale et soviétisante, rejoins-moi dans le cercle distingué de la Brutalism Appreciation Society.
Selfie au poste frontière
On est reparti avec un nouveau groupe, on s’avance rapidement vers la frontière serbe. Or si vous vous rappelez bien, la Serbie n’est pas dans l’Union Européenne ni dans l’espace Schengen. Il faut donc de nouveau passer un poste frontière. Cette fois-ci ça prend un temps monstre, nous sommes bloqués dans les embouteillages, ça n’avance pas d’un poil. On veut juste traverser pas envahir le territoire Serbe ! Il faudrait que tout le monde ait une puce implantée sous la peau, un policier viendrait nous scanner bam bam ça prend deux secondes et on passe. Je sais pas ce que vous en pensez.
Encore une fois, on met pied à terre, et nous devons patienter. Certains passagers ont en plus des discussions longues avec la police. Pour tromper l’ennui, je me prends en selfie un peu n’importe où, devant une affiche de douanier ou devant le drapeau serbe.
Mauvaise idée, un garde-frontière serbe vient me voir, et il n’est pas content. Il veut me parler en privé. Il m’a vu prendre des photos. “- Pourquoi est-ce que tu prends des photos ? - Bah j’ai vu que yavait le drapeau serbe et je prends un selfie pour envoyer la photo à un ami serbe.” Une personne de notre groupe de voyageurs intervient et dit quelque chose au garde-frontière du genre “il ne prend que des selfies”. Le garde m’interdit formellement de prendre des photos et repart toujours fâché. Le passager qui est venu m’aider vient me dire que j’ai eu beaucoup de chances, ils ne sont pas si gentils d’habitude, j’aurais pu y rester (à la frontière).
Les deux selfies les plus nuls de l’histoire des selfies
On repart avec tout le groupe, chacun reprend sa place. On dépasse la frontière et on s’arrête dans une aire de repos. Il est 16h, je n’ai toujours rien mangé depuis la veille mis à part une petite bar chocolatée offerte par la compagnie du premier bus pour Sofia.
Heureusement il accepte la carte bancaire. Alléluia !!! Je mets faim à 18h de jeûne. Je prends les sandwichs avec du jambon rien à faire et je fais le plein pour le soir et le lendemain pour ne pas me retrouver dans la panade comme aujourd’hui. Les passagers qui ont observé la scène du garde-frontière viennent me parler, deux filles bulgares m’adressent la parole en français ! Elles seront mes amies de voyage. Nicole et Maria ont décidé de visiter Prague quelques jours. Nicole a fait une partie de sa fac en France, c’est elle qui parle le mieux français. Elle étudie le droit si je me rappelle bien, elle termine ses études à Sofia. Maria elle a appris le français à l’école et grâce à son père. Elle se débrouille franchement très bien ! Elle fait une école de journalisme également à Sofia. Maria me dépanne, je peux remettre ma carte SIM dans mon téléphone !!!
On remonte dans le bus pour remonter toute la Serbie. Je suis constamment sur mon téléphone à écrire mon récit de voyage. Le temps passe vite, c’est très chronophage d’écrie ! La preuve nous sommes en octobre et je suis encore en train de mettre sur papier sur événements qui ont eu lieu en août.
Nous passons la frontière pour la Hongrie, cette fois je ne fais pas le malin je ne prends pas de photos. Nous arrivons dans un autre pays avec des dirigeants charmants comme Viktor Orbán.
Pendant un arrêt, Nicole et Maria viennent me voir et se plaignent du passager qui est juste devant moi et derrière elles. C’est un bulgare un peu particulier qui voyage avec un ami. Il n’a pas l’air méchant mais il n’a pas l’air rassurant non plus. Parfois, il se retourne et me regarde sans détourner l’œil même si je le regarde en retour. Il a les mains très sales. En particulier, il dort beaucoup en posant sa tête contre le siège de devant (où est installée Nicole) en passant son bras soit entre les sièges soit entre le siège et la vitre ou encore en serrant le siège dans ses bras. Je le vois faire, ça a l’air insupportable d’avoir des mains sales qui traînent autour de son visage. Nicole ne peut plus s’asseoir normalement dans son fauteuil et tous les autres sont déjà occupés. Comment faire pour que le gars arrêtent de laisser son bras pendre autour de Nicole ?
- Faut-il lui demander gentiment ? méchamment ?
- Faut-il que je l’embête de derrière pour qu’il change de position ?
- Faut-il que je lui demande moi-même ?
Le Danube et les pieds de mon charmant voisin (j’aurais pu les mettre en gros plan, je vous épargne la peine)
Je leur propose de changer de place avec moi, même si je n’en ai pas du tout envie. Elles refusent heureusement pour moi. Elles demandent plusieurs fois au gars d’enlever son bras, rien à faire il recommence; elles demandent à son ami de lui faire la même remarque, ce qu’il fait, rien à faire il recommence; elles le réveillent pour lui dire que son bras revient, rien à faire 2 minutes plus tard, il est exactement dans la même position.
Finalement, elles trouveront la solution en demandant à ce que son ami et lui changent de siège. Heureusement ils s’exécutent, le problème est résolu. Bizarrement le gars ne passe plus son bras de l’autre côté du siège maintenant qu’il a un homme en face de lui.
Je fais ma toilette comme je peux à un des arrêts avant de passer une nouvelle nuit dans le bus. Je suis sûr que je vais dormir comme un bébé. FAUX (blague pas géniale maintenant que Norman est accusé de détournement de mineur)
J’ai beaucoup de mal à dormir malgré ma courte nuit de la veille. C’est vraiment impraticable les sièges, dès que tu commences à te détendre, tu glisses et tu te réveilles. J’ai beau essayer différentes positions sur mes deux sièges, rien à faire, je dors peu et d’un sommeil de qualité Wish. Finalement je prends les grands moyens et je réutilise une innovation que j’avais trouvé au collège pendant un voyage en Italie en car. Je pose mon matelas de sol au sol entre les sièges et je m’allonge par terre. Ahhh au moins je peux étendre mes jambes. C’est fou comme c’est important de ne pas avoir les jambes pliées pour bien dormir (la branche des homos qui dormaient les jambes pliées n’a pas survécu à la sélection naturelle). Je vais enfin pouvoir dormir comme un loire ! Et merde on est arrivé, le soleil se pointe.
Prague en mode express
C’était un plaisir de voyager avec Maria et Nicole, je les laisse pour leur aventure à Prague, mais on se recontactera si je reviens en Bulgarie.
Je me dirige vers la gare de Prague qui heureusement est très proche de la gare routière. J’ai bien prévu mon coup, je n’ai pas acheté de ticket de train pour Hambourg, mais je sais que les trains sont fréquents. J’ai également pris un abonnement Interrail, donc je ne suis pas impacté par les prix fluctuant des tickets.
Ma seule et unique photo de Prague. Ça envoie du lourd non ?
Je suis un peu désarçonné par le fonctionnement d’Interrail au premier abord. J’ai le droit à 7 jours de voyage sur le réseau routier en Europe, il faut que j’active une journée dès que j’en ai besoin. Mais cela ne me donne pas un numéro de siège ce qui me paraît un peu incongru. Je vais au guichet de la gare pour me renseigner et j’achète un ticket pour 3€ ou équivalent Tchèque (personne n’utilise l’euro en fait en Europe ???). En fait j’achète le siège, tandis que le voyage est payé par Interrail. Drôle de système.
Pas le temps de visiter Prague, même si j’aurais adoré, surtout avec un livre de Kafka toujours pas ouvert dans mon sac. J’embarque dans mon train, il est assez moderne mais les cabines sont en configuration vintage, ce sont des banquettes qui se font face.
Bonjour @LaSNCF pourquoi les allemands mangent-ils attablés comme des rois et des reines tandis que nous français nous accoudons-nous comme des gueux au wagon-bar ? (+ un selfie de moi dans la gare de Hambourg parce que pourquoi pas)
Il se trouve que je ne suis pas le seul à faire Interrail, la moitié du train peut-être a acheté son billet via la plate-forme. Je me retrouve assis à côté de deux dames brésiliennes qui visitent l’Europe, d’une Américaine qui s’est cassé le bras en conduisant sa vespa et truc de ouf d’un couple de bretons ! La fille est de Landivisiau et le gars de Vannes ! Malheureusement ils se feront jarter parce qu’ils n’ont pas acheté leur billet de siège.
J’essaie de dormir un peu. Beaucoup de gens descendent à Berlin. Et je me retrouvent pour la fin du voyage avec un monsieur allemand la soixantaine du genre voyageur de commerce à la retraite. Il ne parle pas un traître mot de français ou d’anglais et moi pas un seul d’allemand (à part peut-être “Arbeit macht frei” mais c’est une autre histoire). On discute quand même comme on peut, j’apprends qu’il vendait des trucs (je me souviens plus quoi), il me parle des manifs en France, me fait des blagues graveleuses (avoir une femme dans chaque port tout ça tout ça) et en retour j’apprends que sa femme est morte.
On arrive à Hambourg et je lui dis un au revoir chaleureux !
Et voilà 35h de voyage non stop plié et 5 pays traversés ! Après tout c’est peanuts par rapport à ce que que devait endurer Napoléon en traversant l’Europe.
La gare de Hambourg ! Sponsorisé par un certain Philippe, je ne connais pas
Conclusion politique
Les frontières c’est vraiment nul, ça fait perdre du temps à tout le monde. Mais c’est quand même bien lorsqu’il faut que les usines restent en Europe. Or aujourd’hui les marchandises ont plus de liberté pour voyager que les humains. Je propose donc d’inverser ce rapport. Liberté de voyage des personnes et contrôle strict des flux de marchandises.
Maria et Nicole trinquent à ma proposition