Samedi
Pour le week-end, je prévois un peu à l’arrache d’aller à Chalencon, de manger au restau et de revenir par le GR. Je prépare ce que je peux, je prends tout ce à quoi je pense, l’eau, la crème solaire, le dolirhume, le sac au cas où je tombe sur des champignons. Et je décolle. 30 minutes après être parti, je fais une classique Léo : j’ai oublié mon porte-monnaie.
Je reviens tout penaud au Bouveironnet, heureusement Yannick me propose de les rejoindre pour le repas. Ils accueillent des amis de Haute-Savoie, Céline et Olivier, et la mère de Marion, je les rencontre à l’occasion. Ils discutent entre eux de sujets dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissants cependant en fin de repas, je discute avec Isabelle, la mère de Marion. Elle a bossé pendant des années en tant que comptable pour la boîte qui développait Prolog, un langage de programmation dans un paradigme unique en son genre, la programmation logique.
La programmation logique se base sur les règles de calculs logiques. On définit des inférences (s’il pleut alors la route est mouillée) et des prédicats (il pleut). En rentrant ces éléments dans l’interpréteur du langage, il peut nous donner le prédicat résultant des chaînes d’inférences (la route est mouillée)
Après le repas je me relance en pensant à mon deuxième objectif du week-end : trouver des champignons. Il y a eu un orage et il a fait chaud dans les jours qui ont suivi, je me dis que c’est sûrement bon signe pour moi. Je cherche des girolles ou des cèpes. Je pars à la chasse en me disant que ce premier tour est avant tout un repérage ou des indices pour savoir où chercher.
Marion m’indique la colline d’en face pour le champignon et nous voilà parti. Bon la route est jolie mais j’ai beau essayer d’aller dans les sous-bois je ne trouve rien nada niet. À la limite juste un champignon mort.
Comment c’est beau l’Ardèche
Je repère sur ma carte un chemin qui descend vers un ruisseau et une forêt, je me dis que c’est prometteur. En plus le massif a l’air plus diversifié, je n’ai rencontré que des pins et des châtaigniers. Je cherche des chênes et des hêtres. Je prends donc le chemin et j’aperçois un banc fait d’un reste de poutre, ça tombe bien j’avais envie de faire une pause pour manger un morceau. Je m’y arrête et concours de circonstance une voiture descend le chemin et s’arrête à ma hauteur : c’est le propriétaire des lieux, un homme à la retraite. Dans des cas comme celui-ci, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre, on peut tout autant de faire botter le cul dehors que d’être invité à boire un coup. Dans tous les cas, la meilleure attitude est de lisser sa personnalité, de laisser la personne parler le plus possible et d’être d’accord avec tout ce qu’elle dit. J’ai quand même un désavantage pour moi : je me trimballe avec un baluchon rouge CGT. Ça imprime un truchement dans le dialogue. Comme avec ces CRS rencontrés dans le Mercantour. Mais ici pas sûr qu’il l’ait vu.
Dans ce cas de figure, le gars est balancé entre deux pôles : à la fois il a envie d’être sympa et facile à vivre et en même temps il n’est pas commode de nature et a envie de se plaindre.
Les 5 poutres il les vendait 100€ sur Leboncoin, on lui en a proposé 50, qu’à cela ne tienne il en a fait des bancs.
Le bois qu’on lui a volé ? On serait venu l’aider qu’il en aurait donné du bois.
Les gens du gîte qui viennent collecter dans champignons chez lui ? Pourquoi pas qu’on passent prendre les champignons, mais faudrait pas que la propriétaire du gîte envoie tous ses résidents chez lui.
Et là sans le vouloir, il vient de me donner ce que je cherchais sans que je l’ai demandé : un coin à champignons 🥳
Bon je lui demande quand même s’il y a un chemin pour rejoindre la route en contrebas, ma carte n’indique rien, et ça me ferait un sacré raccourci. Bingo oui ya un chemin et il est d’accord pour que je l’emprunte.
Il redescend vers la maison mais, on se retrouve peu après devant chez lui. En vérité un orage commence à s’abattre, sa femme est en train de ranger le linge qui séchait là, je lui donne un coup de main. L’orage s’abat de plus en plus fort et il me propose de m’abriter sous le porche de sa voiture. Ça tombe fort donc je suis bien content. Il reste avec moi et nous discutons. Il se trouve que c’est un breton également ! Originaire de Dinan Saint-Malo, il est monté à Paris faire ses études de technicien en électronique. Il a travaillé pour Alcatel, est venu travailler à Valence et a terminé chef d’équipe. Au passage, il est devenu ingénieur avec les cours du soir du CNAM. Bon, mis à part ça, il ne me sort que des trucs de réac, je vous fais la liste :
- les jeunes ne veulent plus travailler
- les jeunes ils ont des loisirs, ils voyagent, au lieu de travailler
- moi mon père il était dur mais il m’a appris le sens de l’effort
- avant c’était un autre temps (mieux je suppose)
- les gens en Ardèche, ils n’ont pas de parole, ils blablatent, ils ne font pas ce qu’ils disent.
Je ne contre-argumente pas parce que j’ai pas le courage et aussi parce que je viens de voir les deux molosses qui sautent au grillage.
La pluie s’arrête, je peux repartir, je découvre juste un beau lézard vert, animal que je n’ai jamais vu
Lézard vert
J’ai peut-être trouvé un coin à champignon, mais je risque surtout de me prendre un coup de fusil si je reviens. Je repars sans faire de selfie, même si malgré tout c’était une belle rencontre que ce monsieur tout aigri.
Je retrouve la route et je décide de rentrer.
Biche, chevreuil, sanglier ?
Attention fragile, pont en mousse !
Moulin de Malmy
Sur le chemin du retour je trouve en lot de consolation ces champignons bien particuliers au pied d’un chêne.
Phallus impudicus
Je me baisse pour sentir et effectivement ça sent bien la charogne ce truc.
De retour à la ferme, tout le monde est étonné de me trouver aussi sec, je leur explique mon histoire. Ils me proposent de manger avec eux ce soir, j’accepte évidemment. Et j’ai bien fait car ce soir c’est tartiflette, faite par des suisses et des savoyards avec patates, oignons, lardons maison et reblochon frais du marché de Haute-Savoie. Pas la peine de vous dire que c’est la meilleure tartiflette que j’ai goûté.
Je discute un peu avec Olivier, il est paysagiste entre la France et la Suisse, et il a une démarche écolo sur le long terme. Il a deux outils qu’il a l’air d’apprécier tout particulièrement : les mycorhizes et le biochar. Les mycorhizes sont des champignons sous terre qui vivent en symbiose de l’arbre, il y en a toute une palanqué et il y a des entreprises spécialisées dans leur production comme bio3G. Elles sont aspergées sur les racines des arbres et ça part tout seul ensuite. Le biochar est la Terra preta amazonienne issue de la pyrolise du bois et c’est un engrais très puissant.
Je les laisse entre amis et je vais me coucher. Demain je repars aux champignons.
Dimanche
Réveillé à 6h30 à la fois par ma condition physique inégalée et par le soleil de mon dôme, je retente ma chance. Le réveil est dur (pourquoi toujours plus difficile le dimanche ?) et je pars finalement à 8h. Je souhaite retourner dans le coin de la veille. Mais je fais des détours, je passe d’abord voir en bas de la ferme, si au final ce n’est pas plus intéressant, et juste au dessus. Je trouve quelques champignons mais rien de comestible. Il est déjà 9h et je m’en vais rejoindre le coin, je croise Jacques de l’épisode 1 qui se moque un peu de moi.
T’inquiète pas que les mamies elles se sont levées bien plus tôt que toi.
???
J’avais trouvé le nom mais je l’ai plus là
Polypore éponge ?
Je fais les mêmes erreurs, je m’arrête en chemin pour y fouiller une forêt de châtaigniers. Rien mis à part un mini-champi toxique.
Clitocybe de mars
Insectes trop bizarres rencontrés sur le chemin
Sur le cours du chemin, je me dis que peut-être ça existe les cartes à champignons. Seulement je tombe sur un article qui explique qu’il est nécessaire de croiser toutes les données pour aller au bon endroit. Accessoirement, ils vendent aussi des abonnements à leur carte à 60 balles le ticket d’entrée.
Cèpes et girolles dans le coin
Je suis tout à coup pris d’un manque de détermination, je manque de sommeil et j’ai compté uniquement sur la chance du débutant. Il faut que je prépare mieux mes expéditions.
L’érection d’un phallus impudicus pendant la nuit
Je rentre, je retrouve mes champis de la veille + trois nouveaux, ça a donc bien poussé dans la nuit ! Je croise un écureuil sur ma route et je fais le bilan de la chasse aux champignons.
Il existe différentes stratégies :
- la chance du débutant (testée et non recommandée)
- le scientifique méticuleux qui analyse les cartes pH, les altitudes, les saisons, l’humidité, les types de forêts etc. (la plus logique mais la plus chronophage)
- le renard qui repère les voitures des mémés garées sur le bas-côté de la route en lisière de forêt et suivre leurs traces. (à tester absolument)
Ma tension est à son plus bas niveau, je dors 1h, je me réveille toujours pris de vertiges. J’adopte la super technique que j’ai découvert sur Youtube.
Technique pour faire rapidement remonter sa tension : Faire un angle droit entre le mur et sol, les pieds au mur, le dos au sol.
Je mange, et je passe l’aprem à préparer le voyage en Grèce. Ce n’est pas une mince affaire mais on va s’en sortir. Le temps est menaçant mais il tient.
Je mange tôt le soir et j’ai le temps de rentrer à ma yourte quand un grand orage éclate avec de la grêle. C’est impressionnant de violence et d’instantanéité. Il dure 1h à 2h. Je saurai le lendemain que 40mm sont tombés dans la nuit et qu’à 15 km de là, ils n’ont rien vu. Le courant se coupe à 22h, je m’endors à la demi.
Finalement il suffisait de chercher dans la cave !