Istanbul tout l’inverse de Bursa, tout le monde essaie de m’arnaquer ! J’avais déjà visité Istanbul pendant 1 journée en faisant une escale pour voir mon ami Robin il y a au moins 3 ans alors que je me rendais en Iran (je prenais encore l’avion). Mais cette fois-ci, c’est l’occasion de découvrir la ville par moi-même et chacune de ses arnaques. En fin d’article, je vous fais un petit résumé de la vie d’Atatürk, lisez là ça vaut le coût !
Fontaine à ablutions entre l’entrée de Topkapi et Sainte-Sophie
La mer de Marmara
Pour arriver à Istanbul, j’ai décidé de prendre un ferry plutôt que le bus. Comme ça, j’arrive par le Bosphore et je pourrai avoir une entrée magistrale dans Istanbul avec une vue sur Sainte-Sophie, la mosquée bleue et Topkapi. Mon bateau est à Ido Deniz mais je le rate parce que j’ai pris le bus un peu trop tard, je dois donc prendre un taxi jusqu’à Mundaya qui me coûte aussi cher que le ticket de ferry 1ère arnaque.
Les côtes de la mer de Marmara
Sur le chemin je croise deux voyageurs, un italien et un turc, on traîne un peu dans Mundaya ensemble en attendant notre ferry. Le turc parle parfaitement français ! Il a eu une copine française et a vécu quelques années en France, il va maintenant aller vivre en Allemagne pour continuer son cursus universitaire médical (je vais dire une bêtise mais je crois qu’il veut devenir ophtamologue). Il n’a que 23 ans et il est déjà très doué pour les langues, il parle turc, anglais, français, allemand et un peu d’italien. On mange ensemble des pides, les pizzas turcs. Ils n’ont pas grand choix végétarien dans le restaurant mais bon mais je prends le premier qui me tombe sous la main.
Ils sont sympas mais le turc surjoue un peu trop l’amitié alors qu’on vient de se rencontrer, il est encore un peu jeune il veut paraître cool donc c’est normal. On prend finalement le ferry pour Istanbul, on s’assoit à côté et tout le monde fait un peu la sieste.
Par contre trop déçu, nous sommes confinés à l’intérieur du ferry et les vitres sont teintées, on ne voit rien du tout depuis l’intérieur. Interdiction formelle même pour sortir prendre l’air. Quel intérêt de prendre un ferry alors ?
J’ai perdu bien 2h de mon temps au lieu de prendre simplement un bus. 2ème arnaque.
L’auberge
Nous arrivons dans Istanbul de nuit dans le quartier d’Eminönü. Moi j’ai un peu la flemme de prendre le tram, je suis fatigué et j’ai envie d’arriver directement à mon auberge. Celle-ci se situe sur l’autre rive dans le quartier de Galata et est assez éloignée de tous les arrêts de tram alentours. Je demande donc un taxi, mais je ne suis pas très malin, je ne négocie pas le prix en amont. Le gars me transporte de l’autre côté, n’allume pas le compteur et voyant que les rues pour arriver à mon auberge sont complètement bouchées par la fête et les embouteillages, il me propose de descendre où nous sommes actuellement. J’accepte et je lui demande son prix : 300₺ soit 15€ pour 10 minutes de trajet… Je rechigne, je paie finalement et je dois maintenant marcher 10 minutes jusqu’à mon hôtel. 3ème arnaque. Pour référence, je paierai de nuit dans Istanbul un taxi 250₺ pour faire 30 minutes de trajet.
J’arrive dans l’auberge et je me pose dans mon lit, il n’y a personne à la réception. L’auberge m’a été recommandée par Paul-Henri, c’est vrai qu’il a du cachet sur les photos Google Maps et il est excellemment bien noté mais il est bien différent dans la réalité (4ème arnaque). Je vais me défouler ici :
- Pas d’accueil le soir, difficile de trouve un·e réceptionniste dans la journée, la proprio est en vacances, seule la volontaire qui travaille bénévolement est notre interlocutrice (il nous est recommandé de lui donner des pourboires)
- Les photos de l’extérieur de l’auberge ne sont pas celles de l’auberge mais celles du bâtiment d’en face, beaucoup plus mignon.
- Pas de clim dans les chambres. Dans tous les auberges où j’ai été jusqu’à présent la clim était installée. Ok c’est pas très écologique mais quand il fait 30° de nuit c’est bien pratique pour récupérer un minimum.
- Les lits sont trop petits pour moi et impossible de faire dépasser mes pieds.
- Le quartier est super bruyant dès qu’une voiture ou scooter passe (faut-il ouvrir ou fermer les fenêtres la nuit ?)
- Les rideaux filtrent à peine la lumière
Heureusement il y a une terrasse sympa, et les autres voyageurs dans l’hôtel sont cools. Gaël, un franco-marocain, nous propose un jeu auquel jouer. Sur une feuille de papier vierge chacun à son tour lance une pièce :
- si la pièce tombe sur une zone blanche, il faut écrire un gage qu’on entoure d’un cercle. Par exemple : “Chante une chanson”, “Quel animal te représente ?”.
- si la pièce tombe dans un cercle, alors il faut exécuter le gage.
Gaël donne des gages un peu corsés dans lesquels il faut se livrer (“Quelle personne est la plus belle autour de la table ?”, “Qu’est-ce que tu regardes le plus chez une personne”), donc moi aussi je mets des questions qui font rougir (ou pâlir) pour m’amuser : “Où est-ce que tu te vois dans 10 ans ?”, “Qu’est-ce qui te rend heureux ?”, “Est-ce que tu te sens aimé ?”
Finalement beaucoup de gens sont contents de pouvoir se confier à des inconnus.
Guerre en Ukraine
Je rencontre également une ukrainienne à la base en séjour professionnel et qui en profite pour prendre des vacances. Elle travaille pour Siemens à Kiev. On en vient à parler de la guerre, c’est plutôt elle qui aborde le sujet d’ailleurs. Elle a vécu les bombardements et les confinements sous terre. Heureusement pour elle, son copain ne peut pas être mobilisé, elle serait livide de terreur sinon. Elle a eu des amis qui sont morts au front. Dans son travail, il est devenu naturel de dire que l’on se rende à l’enterrement d’un ami. Elle est vraiment dépitée de cette guerre stupide, et ne voit pas vraiment de sortie à court terme, mis à part l’implication des Etats européens, car selon elle Poutine menace également le reste de l’Europe.
Sur ce genre de sujet, je me sens un peu nu, écartelé entre ma compassion pour les ukrainiens et ma fraîcheur à aller en Ukraine. Ceux qui parlent d’envoyer des troupes au front sont souvent des personnes de plus de 50 ans sur des plateaux télé, allez savoir pourquoi. Surtout, il faut parler du financement de la Russie via son gaz, et du réseau mondial de blanchiment d’argent des oligarques russes.
Je lui demande tout de même ce qu’elle pense des raisons de la guerre en Ukraine que je n’ai toujours pas saisies. J’ai entendu plusieurs hypothèses :
- les terres fertiles d’Ukraine (une des plus fertiles d’Europe) qui permet de contrôler la distribution en blé des pays africains
- le nucléaire et les implications des américains sur ce sujet (voir l’article de Marc Endeweld dans le Monde Diplomatique Entre Kiev et Moscou, l’enjeu du nucléaire)
- les conflits liés aux frontières depuis la fin de l’URSS et les menaces d’extension de l’OTAN ou de l’UE (qui est aussi une alliance militaire) aux portes de la Russie
- l’impérialisme russe et la folie de Poutine
Elle penche plutôt pour la dernière option, et le fait que les russes n’ont jamais accepté que l’Ukraine ait une culture nationale propre.
En parlant de tout ça, je me rends compte que je n’ai toujours pas commencé à parler d’Istanbul !
Le marchand de vent
Je me réveille tard le premier jour parce que j’ai dormi comme un chien, donc la journée commence tard vers 14h. Je me rends à Eminonu pour aller au palais de Topkapi (j’aime bien le nom). Je ne trouve pas l’entrée tout de suite, ce n’est pas super bien indiqué. Un gars que je présume turc s’approche de moi, il commence à me parler d’une tour que je regardais dans laquelle les sultans regardaient des parades ou la rue. Je lui demande l’entrée vers Topkapi, il me dit “viens c’est par là”, on commence à marcher. Il me demande d’où je viens, il me dit qu’il a de la famille en France et qu’il va surement commencer un business là-bas, il est artiste et il veut me montrer sa collection.
La tour près de laquelle je me suis fait alpagué
Pour l’instant le bougre n’a pas été méchant mais je vois bien qu’il m’entraîne dans un truc. La discussion est entamée , je me laisse un peu porter. Après tout je peux voir sa collection et repartir aussi sec. J’arrive dans un magasin qui effectivement vend des objets artisanaux en souvenir, mais il m’emmène au sous-sol où sont exposés les tapis. Il me présente son cousin, me propose de m’asseoir et m’offre le thé. Bon là je vois bien que je suis dans un guet-apens. Je veux boire mon thé, ce serait malpoli de ne pas y toucher. Le cousin commence à me parler des différents types de tapis et de la spécificité des nœuds des tapis turcs (aucun souvenir). Je lui explique qu’il tombe vraiment mal parce qu’il se trouve que j’ai déjà plein de tapis chez moi et que je n’ai la place pour aucun autre. Il continue quand même son speech et se met à déployer des tapis devant moi. Je réexplique qu’ils n’ont pas à se donner cette peine, je n’achèterai pas de tapis.
Bon à ce moment-là, le cousin lâche l’affaire, s’asseoit dans son fauteuil et me demande “Pourquoi est-ce que tu viens dans le magasin alors si tu n’as rien l’intention d’acheter ? C’est vraiment malpoli de faire ça”. Non mais il est fou lui ?! Je lui réponds “Non non, tu vas pas me faire sentir coupable. C’est ton cousin qui m’a emmené ici en me disant présenter sa collection d’art.” Je termine mon thé et je remonte, il essaie de me proposer les petits objets artistiques mais pas la peine d’expliquer que je n’ai qu’une envie, c’est de sortir. Je dis au revoir au rabatteur avec le sourire. En même temps, ils ont bien vu quand même que je ressemble à un backpacker sans le sous avec mon t-shirt Domyos de chez Decathlon ??? Bref 5ème arnaque, mais cette fois-ci esquivée avec panache, j’apprends vite.
Topkapi
Je trouve enfin l’entrée mais je suis décalqué donc je fais une petite sieste sur l’herbe, on arrive bien à 16h. Je me rends enfin vers le guichet, là il y a deux choix : Palais de Topkapi ou Palais de Topkapi+harem. Hors le Palais est grand, il faut pas mal de temps pour le visiter, il ferme à 18h, et les billets ne sont valables que sur la journée. Donc je me dis que je visite d’abord le Palais et demain j’achèterai un billet pour le harem seulement. La visite se passe bien je vous fais la description puis loin. Je reviens le lendemain de bonne heure pour acheter mon billet pour le harem. Et que m’explique-t-on à l’entrée ? Si je veux visiter le harem, il faut que je rachète également la visite du Palais. Pour info le prix de Topkapi seul c’est 750₺ et Topkapi+harem c’est 950₺, soit respectivement 20€ et 30€. Parmi les tickets les plus chers du voyage. Au guichet je demande les responsables, je m’agace (élu pire touriste de l’année). Hors de question que je paye de nouveau, c’est encore une arnaque ! Rien à faire, je ne financerai pas ce procédé mesquin. Je ne tomberai pas dans cette 6ème escroquerie
J’ai quand même réfléchi à un plan pour m’introduire dans les harems sans repayer le ticket. L’idée, c’est d’attendre un touriste à la sortie, quelqu’un qui a déjà visité, de lui demander son ticket (si besoin en lui expliquant que j’ai oublié quelque chose à l’intérieur), puis de me rendre au contrôle des tickets avec le précieux sésame et d’expliquer la même chose (après tout, si j’ai oublié quelque chose c’est tout simplement de visiter les harems non ?) et ensuite de faire ma vie à l’intérieur. Ce plan échouant lamentablement lorsque je me retrouverai devant les portes closes de Topkapi le mercredi. Tant pis je lâche l’affaire, je visiterai les harems dans une autre vie.
Topkapi bis
Ok cette fois-ci, je parle vraiment des monuments et des trucs comme ça. Topkapi c’est un très joli palace mais c’est avant tout une boucherie. On y fait des rentrer des ministres ou des frères du sultan et on en fait de la chair à saucisses. Entre le XVème et le XVIème siècle, c’est tradition lorsqu’un nouveau sultan arrive au pouvoir qu’il assassine l’intégralité de ses frères et des concubines pour se protéger d’un éventuel complot. Ainsi même Soliman Le Magnifique assassine son propre fils. Heureusement la pratique sera interdite en 1603 et Topkapi deviendra une prison dorée pour la famille proche du sultan.
La porte du Salut
Le Palais possède plusieurs cours auxquelles on accède par plusieurs portes de styles différents. Je visite en premier lieu les anciens hammams où l’ont peut admirer les anciens soie impériales.
Très beaux caftans de la famille impériale, très bien exposés. Celui le plus à droite porte des versets du Coran
Ensuite je visite la salle du Trésor où l’on trouve des joyaux impériaux.
Dans l’ordre d’apparition :
- des Corans enluminés et sertis de rubis
- le Kaşıkçı ou “diamant du Marchand de cuillère”, énorme diamant de 86 carats il aurait été trouvé dans un tas d’ordure et acheté pour trois cuillères. Plusieurs thèses sur son origine. Il est entouré d’autres diamants dont trois fameux : l’Etoile brillante, la Lumière de la nuit et le Silhatar
- la dague Hançer : le fourreau est serti d’or et de diamants tandis que sur le pommeau se trouve trois émeraudes et une montre quelque part. Voir cette image est de meilleure qualité
Trône du sultan
Je ressors et je me balade dans le palais.
Kiosque de Bagdad, construit après avoir conquis la ville
A gauche : l’intérieur du kiosque de Bagdad, constitué de céramiques d’Iznik, la plus chic. A droite : le trône de Bairam
Vue sur le Bosphore avec au fond la tour de Galata
Ma partie préférée : la visite du pavillon des reliques saintes ! Beaucoup de reliques ramenées de Bagdad. On peut y accéder librement même en temps que mécréant. C’est l’endroit où la foule est la plus dense. Etonnement je trouve que la disposition des reliques est assez mauvaise, tout le monde joue des coudes pour se frayer un chemin au plus proche. Dans le pavillon un muezzin chante en permanence.
Le bâton de Moïse, une emprunte de pied du prophète Mahomet, et l’épée de David
Le reste du Palais est très grand mais on ne peut pas en voir beaucoup plus. Pour voir des images du harem (pour vous public grivois), il faut aller comme d’hab sur Wikipédia.
Sainte-Sophie
Ce qui est bien à Istanbul c’est que les plus importants monuments historiques se trouvent dans un rayon d’un kilomètre. On peut donc quasiment visiter Topkapi, Sainte-Sophie, et la Mosquée bleue dans la même journée.
Moi devant Agia Sophia en 2018 (Merci Robin pour la photo)
Je visite donc une nouvelle fois Sainte-Sophie, et je vous confirme donc qu’elle a bien été reconvertie en musée par Erdoğan, qui est donc revenu sur la décision d’Atatürk. C’est un peu bizarre parce que ça se voit bien que ce n’est pas un lieu de culte. Ils ont beau avoir mis de la moquette partout, il n’y a que des touristes qui forcément en profite pour s’asseoir par terre, ce qui insupporte les gardes.
L’entrée depuis le vestibule, notez la mosaïque où l’on voit le Christ pantocrator (en Majesté) entouré de la Vierge et d’un Ange tandis que l’empereur Justinien se prosterne devant Jésus. On voit aussi le drap qui devait recouvrir jusqu’à peu la mosaïque
Agia Sophia est une mosquée qui n’a rien à voir avec toutes les autres mosquées de Turquie. Vous le verrez tout de suite en comparant avec la mosquée bleue. Ony trouve des croix chrétiennes un peu partout dans les fresques, marbres et mosaïques. J’ai gardé quelques photos de la dernière visite, j’avais même pu visiter les galeries !
L’intérieur de la mosquée et la coupole. Remarquez les angelots aux quatres coins de la coupole, ils font assez peur. Ensuite tout au fond vous voyez des draps qui recouvrent la plus grande mosaïque de la mosquée, celle de Marie et de Jésus. Je vous la montre juste après. Les deux draps qui recouvrent Marie me fond quand même vachement penser à un soutien-gorge…
Photo de 2018. Marie est assise sur un trône serti de pierres précieuses et porte sur ses genoux le bébé Jésus dans un drap d’or. A droite, il y a normalement l’archange Gabriel mais il était caché en 2023 et je n’ai pas pris de photo en 2018.
Le chat-roi (ou chatte-reine), et à droite une photo de la galerie et de ses colonnes de marbres. On retrouve en haut à droite le gros angelot trop cheum.
Je vous montre à présent les mosaïques de la galerie de 2018, qui m’avaient fait la plus grande impression.
De gauche à droite : l’empereur Jean II Comnène (je le reconnais tout de suite à sa bouille), la Vierge à l’Enfant, l’impératrice Irène et le coempereur Alexis Comnène fils d’Irène et de Jean.
Christ Pantocrator entouré à gauche de l’empereur Constantin IX et de l’impératrice Zoé. (l’impératrice faisait changer le nom et le portrait de son mari à chaque nouvel élu !)
Mosaïque de la Déisis : représente la prière de la Vierge et de Saint-Jean-Baptiste le Jour du jugement dernier. Toujours en pantocrator le Christ ce BG.
On redescend pour voir la dernière mosaïque.
Mosaïque de la fin du Xème siècle de la Vierge à l’Enfant, dans laquelle Justinien (à gauche) et Constanstin Ier (à droite) offrent respectivement une maquette de la basilique Sainte-Sophie et la ville de Constantinople. On voit encore le drap qui est prêt à tomber sur ce petit bijou.
Bon à savoir, la basilique sera pillée lors de la 4ème croisade par des forces franques et vénitiennes, imprimant la suprématie de Venise sur la Méditerranéee. Enrico Dandolo, doge de la Sérénissime, commanditaire de l’invasion et bien connu par les joueurs de Civilization V pour son pacifisme se trouve enterré dans la basilique ! Quel sagoin.
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur Sainte-Sophie, comme le fait qu’elle a failli ruiner l’Empire byzantin, qu’elle a été construite en 4 ans à peine, que l’Empire a largement piller tous les sites sacrés grecs, que les types de marbre utilisé provienne des quatre coins du territoire. Sainte-Sophie est une petite pépite dont on nous cache beaucoup de choses !
Mosquée bleue
J’étais passé sur le parvis de la mosquée bleue en 2018 mais celle-ci était en rénovation à l’époque. C’est donc l’occasion pour moi de la visiter cette fois-ci !
Moi devant la mosquée bleue en 2018
Sous un meilleur angle et en 2023 ça donne ça
Au marbre est remplacé les faïences et céramiques
Très belle façade de vitraux
Les piliers sont énormes !!!
La Mosquée est très splendide mais elle n’a rien à voir avec le faste de la basilique.
Quartier de la petite Sainte-Sophie
Un de mes quartiers préférés dans Istanbul, tout tranquille au pied de l’esplanade Sultanahmet. Plein de petites ruelles très calmes, je visite la mosquée de Sokullu Mehmet Pasa dans laquelle on retrouve 4 fragments de la Pierre Noire de la Mecque caché à différents endroits. Je m’amuse à les retrouver. Il n’y a quasiment personne dans la mosquée mis à part un gardien et deux imams. Lorsque j’essaie de me rapprocher d’un des fragments, le gardien me fait reculer tout de suite. C’est vrai que la mosquée est beaucoup plus jolie, elle se rapproche du style persan avec ses faïences bleues très douces.
L’extérieur et l’intérieur de la mosquée Sokullu Mehmet Pasa
Je visite également la mosquée dite de la Petite Sainte-Sophie qui est charmante et dans laquelle je trouve un canapé dans lequel m’asseoir pour lire le Routard et choisir mon restaurant.
Mosquée Sainte-Sophie toute mignonne. Je crois que c’est une église reconvertie en mosquée également.
Je sors de la mosquée et je me retrouve devant un concert intimiste de musique traditionnelle turque dans la cour de la mosquée à ciel ouvert. Je passe devant un van Volkwagen immatriculé 34 Occitanie, puis je me rends dans un restaurant, tous très bien noté dans le coin. Je choisis le restaurant Anatolian Cuisine puisque je n’irai malheureusement pas cette fois en Anatolie. Il me serve ma casserole de légumes dans une jarre cuite au charbon, qu’il fende ensuite pour me servir ! C’est bien quand même d’aller dans des restaus légèrement plus chics. J’ai une petite lumière du soir très confortable.
Mon repas au charbon, juste devant la mosquée que je viens de visiter.
Quartier de Galata
Grumpy cat
Le quartier de Galata est moins touristique. C’est l’ancien quartier gênois. En effet, l’Empire Byzantin dans sa décadence avait cédé à Gênes, la grande concurrente de Venise, tout un quartier de commerce et différentes concessions commerciales de libre-échange, plombant par la même occasion les recettes de l’empire. C’est une ville dans la ville qui se développe et qui se maintiendra après l’invasion ottomane.
Moi tout en haut de la Tour de Galata, on a une vue incroyable sur tout Istanbul !
Aujourd’hui on y trouve des galeries d’art, des marchands en tout genre, beaucoup de brocanteurs. D’ailleurs en cherchant des cadeaux à ramener en France, je passe devant une enseigne où j’aperçois sapristi une statuette de la Vierge-Marie bretonne ! Celle-ci est une authentique Henriot, mon père en fabrique des répliques. Je rentre dans la boutique pour discuter avec le brocanteur. Celui a une belle cinquantaine, il parle parfaitement français avec une magnifique voix grave. On discute un peu et au final, je lui achète un couple d’oiseau et une tortue en faïence.
La tour de Galata point de repère dans Istanbul et la Vierge-Marie bretonne
Au passage je croise un couple de français un peu branché (le gars porte une casquette à pois tour de France), la fille vient de Brest ! Voilà fallait que je raconte ça.
Les chats sont très à cheval sur le suivi de leur poids.
La place Taksim
En revenant vers mon auberge, je prends un funiculaire qui me remonte place Taksim, le funiculaire est souterrain, c’est moins rigolo que je pensais ça ressemble juste à un métro. Le funiculaire aurait été installé par des français en 1871, 30 ans avant le métro de Paris.
J’arrive tout en haut. La place Taksim comme je vous le disais dans le dernier article a été un haut lieu de luttes. Aujourd’hui la place est calme mais il reste toujours des policiers en patrouille. Je reste là à contempler la grande mosquée qui se trouve en son centre. Un autre gars est à côté de moi, il semble également attendre quelque chose. Il commence à me parler de manière vraiment décontracté. Il est turc, il est en voyage d’affaires à Istanbul. Il rachète des voitures d’occasion en Europe pour les revendre en Turquie. Il me demande ce que je vais faire de ma soirée. A priori par grand chose j’ai juste envie de retourner à l’hôtel. Il pense aller en boîte et me propose de le rejoindre. Hum mon coco je vois où tu veux en venir. Heureusement que je lis bien mon Routard : des rabatteurs agissent pour ramener de jeunes hommes européens comme moi vers des boîtes où le rabatteur rencontre par hasard des copines avec qui l’on s’installe et commande des verres. Puis vient l’addition salée, on peut payer, ou faire aux videurs de la boîte (j’aurais choisi la deuxième option, j’ai fait du karaté en 4ème). C’est la 7ème arnaque ! Il aurait fallu que j’y aille pour voir leur tête en leur disant que je ne buvais pas et en commandant simplement de l’eau.
Photos en Bazar
Je visite également le grand Bazar d’Istanbul, mais je n’ai rien à acheter donc finalement je n’en profite pas tellement.
Le Bazar des Egyptiens en 2018 avec Robin au premier plan
Le bazar moderne je suppose ? Ici tout est bien organisé et bien entretenu, c’est presque une galerie marchande (je n’irai pas jusqu’à dire centre commercial), dehors c’est un peu plus la zone.
Les délices des restaurants dit “des Balkans”. C’est ici qu’on y mange le moins cher et on est servi en deux minutes.
Je visite également la citerne-basilique près de Sainte-Sophie. C’est une citerne construite sous l’empire Byzantin hantée par la Méduse qui impressionne par son rafinnement.
Le plafond est illuminé de différentes couleurs. Au fond, on trouve des grandes sculptures de méduses ainsi que des colonnes stylisées. Pourquoi et comment les têtes de Méduse sont arrivées là ?
Ambiance de 2018, en une journée j’avais vraiment savouré la ville grâce à Robin !
Bilan Turquie
Voilà c’est la fin de mon périple en Turquie ! Pays fascinant et charmant. Je prévois d’y retourner un jour pour aller cette fois-ci en Anatolie randonnée en Cappadoce et voir les villes d’Ankara, Konya, Mardin, Trébizonde et surtout le site antique le plus vieux au monde : Göbekli Tepe.
Je note également que pour voyager seul, les sites touristiques sont à éviter. Au contraire il faut profiter de la solitude pour aller s’enfoncer dans les profondeurs du pays. C’est là qu’on rencontre les personnes les plus accueillantes. J’aurais pu aller voir les Kurdes ou d’autres ethnies vivant en Turquie.
Je vous laisse en compagnie d’Atatürk à présent. A vous de juger le personnage.
Atatürk
Au détour de multiples visites, je m’arrête pour lire l’article Wikipédia d’Atatürk avec à chaque fois le même plaisir. Atatürk est celui qui fait la jonction entre deux époques antagonistes : celle du sultanat et de l’Empire ottoman et celle de la République laïque.
Je vous fais un résumé aussi rapide que possible mais qui n’en sera pas moins long étant donné la singularité de ce personnage. Je tire tout de l’article Wikipédia, donc n’hésitez pas à aller voir la source directement. Attention tout de même, celui-ci a sûrement du être écrit par des fan-boys du Kemal, ce qui ne manque pas de donner un style épique à la rédaction.
Pourquoi ce même me parle beaucoup trop ?
Mustapha Kemal est né à Salonique ville ottomane (aujourd’hui Thessalonique en Grèce). Il est élevé dans une famille composée uniquement de femmes. A 12 ans, il passe les concours collège militaire sans demander l’autorisation. Son professeur de mathématique ajoute Kemal (“complet”, “parfait” en arabe) à son nom. Au lycée militaire, il va se passionner pour les textes des écrivains et philosophes français du siècle des Lumière (Voltaire, Rousseau, Camille Desmoulins, Montesquieu, Auguste Comte). Je pense qu’il savait déjà parler français parce la langue était une sorte de lingua franca dans l’Empire ottoman (les lettres arabes étant sacrées puisque lettres du Coran). Il entre ensuite à l’école de guerre d’Istanbul d’où il sort lieutenant, puis continue à l’Académie militaire où cette fois il obtient le grade de capitaine d’état-major où il développe ses projets révolutionnaires. Dans sa vie privée il aura des aventures amoureuses avec des femmes et des hommes (apparemment c’était courant à la fin de l’Empire ottoman).
L’Empire ottoman est déjà rentré en déliquescence, c’est un moment d’effervescence pré-révolutionnaire, les mouvements civiques contre le sultan se retrouvent également au sein de l’armée. Il est donc tout à son aise. Les Jeunes-Turcs sont la principale force pour la modernisation de l’Empire (ce seront également les auteurs du génocide arménien).
La Première Guerre mondiale sera l’événement qui viendra porter le coup fatal à l’Empire ottoman. Mustapha Kemal aura le temps de se couvrir de gloire à la bataille des Dardanelles en tenant une position stratégique. Il passe du rang de capitaine d’Etat major à celui de pacha (général) en repoussant les assauts australiens, néo-zélandais, britanniques (au prix tout de même de 253 000 morts côté ottoman, similaire dans l’autre camp).
« Je ne vous ordonne pas de combattre, mais de mourir. »
Le sultan Enver Pacha signe l’armistice, et l’Empire est complètement démantelé (voir la fin de l’article Mon parapente tombe à l’eau à Fethiye - Turquie). Les grecs, les anglais, les français, les arméniens occupent la Turquie. Mustapha Kemal refuse que le pays soit occupé, les partis politiques existants soutiennent le sultan. Il fomente alors avec d’autres officiers la création d’un parlement et d’un gouvernement visant à renverser le sultanat et à repousser les troupes étrangères hors de ce qui deviendra la Turquie. Voyant que la rébellion prend, le sultan se lie alors avec l’ennemi dans un accord secret dans lequel “le sultan met la puissance morale et spirituelle du Califat au service du Royaume-Uni dans tous les pays musulmans où s’exerce son influence”. La guerre civile est commencée entre la Grande assemblée nationale de Turquie avec Mustapha Kemal à sa tête et à l’Empire ottoman mourant allié aux troupes britanniques et française restantes. Le sultan consacre le dépeçage effectif de l’Empire en signant le Traité de Sèvres en 1920.
C’est ce qui fera basculer le conflit en faveur des nationalistes, les turcs affluent en soutien au mouvement de libération. Les soviétiques envoient des armes à Kemal et compères. Alors que la victoire dans la guerre civile est presque consacrée pour Kemal puisque les nationalistes vont prendre Istanbul, le sultan joue un dernier tour à son propre peuple en demandant aux puissances étrangères une assistance visant à écraser la Grande Assemblée en échange du protectorat de ce qu’il reste de l’Empire. Seuls les grecs avec Venizélos répondront relançant ainsi la guerre civile. Les forces grecques débarquent en force pour s’imposer dans les territoires qui lui ont été cédés (principalement la Ionie autour d’Izmir).
Après des déboires, l’invasion s’enlise et la Grande Assemblée nationale vote la loi constitutionnelle dans laquelle “la base de l’État turc est la souveraineté du peuple” le 20 janvier 1921. Le conflit stagnant, l’Assemblée réfléchit à remplacer Kemal par un général moins autoritaire. Celui-ci monte à la tribune pour demander les pleins pouvoirs, “avec des pouvoirs dictatoriaux” selon ses propres mots. Les députés n’y sont pas favorables. Kemal répond :
Je n’ai pas dit : “ Je vous demande les pleins pouvoirs.” Je vous ai dit : “Je les exige !” Si vous me les refusez, j’agirai en conséquence. Soyez tranquilles : la Turquie ne périra pas ! Mais si vous me mettiez dans la triste obligation de choisir entre la Turquie et vous, alors sachez que mon choix est déjà fait et que mes soldats l’approuveront.
L’Assemblée lui accorde finalement les pleins pouvoirs jusqu’à la signature d’un traité de paix, et Kemal se rend sur le front. Avec la mobilisation générale et l’aide de l’URSS, le cours de la guerre tourne définitivement en faveur des révolutionnaires et un armistice est signé le 11 octobre 1922 qui aboutit par la suite au traité de Lausanne.
C’est le début de la Turquie moderne. La République est proclamée en 1923 et Kemal est élu président pour 4 ans. Pour bâtir cette nouvelle nation, il suit les principes de la Révolution française : unité nationale, droits de l’homme, sécularisation, laïcisation, modernisation. L’unité nationale est concentré autour de l’ethno-centrisme turc, les autres populations doivent s’assimiler ou littéralement quitter le pays. Je n’ai pas trouvé de traces de Kemal participant à aucun des génocides commandités par les Jeunes-Turcs (le sujet doit être hyper sensible). Dans tous les cas, Afet İnan, une des filles adoptives de Kemal travaillera à la promotion scientifique de la supériorité raciale turque (pas ouf quand même).
A partir de 1924 et 1925, les syndicats et partis d’opposition sont interdits. Un complot sévit contre Kemal, un attentat contre lui est déjoué, dans lequel le colonel Arif, un ami proche de Kemal est impliqué. Celui-ci signera son arrêt de mort malgré tout. Il devient maître incontesté de la Turquie et exerce alors une dictature. Les députés sont choisis exclusivement depuis le parti unique le CHP qui réélisent successivement Kemal président. Cependant celui-ci refuse d’être élu président à vie déclarant :
« Je ne mourrai pas en laissant l’exemple pernicieux d’un pouvoir personnel. J’aurai fondé auparavant une République libre, aussi éloignée du bolchevisme que du fascisme. »
Il a le champ libre et il procède à l’industrialisation du pays avec l’aide de l’URSS, à la création de réseau routier, à la modernisation de l’agriculture, à la mise en place de banques nationales permettant le financement des grandes infrastructures.
Dans ces mêmes moments, il revendique l’intégration des normes occidentales. Ainsi il adopte le code commercial allemand, le code pénal italien, et le code civil suisse. La polygamie est interdite, les hommes et les femmes deviennent égaux en droits. L’alphabet arabe est remplacé par l’alphabet latin en 1928. Il interdit le port du fez pour les hommes et le port du hijab aux fonctionnaires (il aurait bien aimé l’interdire totalement mais il craint une guerre civile). Il interdit les musiques et les danses orientales (là tu vas trop loin Mustapha). Le dimanche devient le jour de repos à la place du vendredi. L’école primaire devient obligatoire. La scolarisation des filles est une priorité nationale. Par ailleurs il adopte 8 filles, dont la première femme pilote de guerre au monde (Sabiha Gökçen), qui s’inscrivent dans la dimension politique du projet d’Atatürk. Au passage, il renomme Constantinople en Istanbul (tout simplement).
Son parti repose sur 5 principes représentés par des faisceaux sur le logo :
- populisme : pour le peuple turc avant tout, contre les privilèges et les distinctions de classes
- laïcité : dans l’administration particulièrement, l’Etat turc continue de financer en partie le culte musulman.
- révolutionnarisme : dans le sens de la Révolution française donc de l’abolition de l’absolutisme et de l’instauration d’un Etat de droit.
- nationalisme : souveraineté du peuple turc face aux peuples étrangers.
- étatisme : l’Etat joue un rôle central dans la modernisation sociale et économique du pays
C’est donc peut-être la première dictature sociale-démocrate au monde ?
Ici je me permets de faire une parenthèse pour exprimer un hypothèse. La société industrielle nécessite-elle un gouvernement autoritaire ? Les tories en Angleterre, Napoléon III en France, Mao en Chine, Staline en URSS, Deng XiaoPing en Chine.
Et plus pareillement, la société de consommation nécessite-elle un gouvernement libéral autoritaire ? On pourrait reprendre les torries et Napoléon III dans cet exemple et y inclure DengXiao Ping par exemple. Bon ça demande d’être plus étayée comme hypothèse, ici ça ressemble à une poule à trois plumes.
Mais est-ce que vous voyez où je veux en venir ? Que l’industrialisation ou le productivisme n’a jamais été une décision démocratique mais toujours un état de fait imposé par la force et validé à postériori ? Un peuple réellement démocratique aurait-il jamais inventé la grande industrie ? Car qui aurait été travailler dans ces usines sans la force de la nécessité ?
Parenthèse fermé, je reviens à mon Kemal. En 1930, l’abstention augmente en Turquie (les gens allaient encore voter ???). Kemal crée donc un parti d’opposition, le Parti républicain libéral. Il confie au nouveau dirigeant qu’il nomme à la tête de ce parti :
« Je ne veux pas mourir avant d’avoir vu, en Turquie, la disparition d’un pouvoir personnel. Je veux que la République devienne entièrement démocratique »
Il décide également de supprimer la censure de la presse. Il va s’en mordre les doigts puisque des monarchistes autant que des communistes en profitent pour le critiquer par le biais d’articles et de caricatures. De plus des islamistes (est-ce que le terme est anachronique ?) provoque des émeutes à Menemen pour l’établissement de la charia (un peu les chouans non ?). Celles-ci s’étendent à d’autres villes comme Konya et Bursa. Ni une ni deux, Kemal abroge toutes les dernières décisions qu’il a prises, la presse est de nouveau muselée et on revient à un système de parti unique. Il importe également des idées de l’Italie fasciste ou de l’URSS comme les Maisons du peuples ou des organisations de jeunesse pour matrixer les djeun’s.
Lorsque des émeutes anti-juives ont lieu dans certaines villes, il fait rétablir l’ordre et soutient que l’anti-sémitisme ne sera pas toléré en Turquie. Il reçoit 150 universitaires juifs d’origine allemande (permettant la création de l’université d’Istanbul).
Il donne aux femmes le droit de vote aux élections nationales ainsi que l’éligibilité à toutes les élections en 1934.
En 1934, le Parlement lui donne le nom “Atatürk” à savoir “père de tous les turcs”. Il meurt en 1938, son exemplaire Du contrat social de Rousseau en français et annotée de sa main est exposé à côté de son tombeau (chad)(voilà pourquoi je me suis mis à lire ce livre en arrivant à Brest).
Si quelqu’un arrive à donner une synthèse compréhensible d’Atatürk, je suis preneur ! Le personnage et l’époque se confondent avec la Révolution française. De mon point de vue, Mustapha Kemal est une personnage de la même veine que nos Montagnards.