Course poursuite à Pergame - Turquie

Mon grand plan c’est de visiter la ville de Pergame, et ensuite quand j’irai en Allemagne d’aller visiter le musée de Pergame. Je dois aller à Hambourg voir un ami.

rue de Pergame Pas besoin d’aller à Murano, il suffisait de venir à Pergame

J’arrive donc à Pergame (Bergama en Turc) qui en soit est une ville moderne, je suis accueilli par un gigantesque portrait d’Erdogan qui remercie Izmir, Pergame, et une autre région (“teşekkürler Izmir, teşekkürler Bergama”).

Mon hôtel est situé sur les pentes de l’acropole de Pergame. Je me trimballe avec mon sac à 22h dans les rues sombres et je me tape une montée pas sympa. Cette fois-ci, pas d’auberge, j’ai pris un tout petit hôtel avec chambre individuelle. Je paye un prix similaire aux auberges. Je vais pouvoir me reposer un peu également. Je suis accueilli gentiment dans cet établissement qui possède maximum 4 chambres. En Turquie ce genre d’établissement s’appelle un “boutique otel”. Ma chambre et l’hôtel sont très mignons tout en charpenterie. J’apprendrai plus tard que c’était l’ancien quartier grec et que c’est une maison d’origine.

A Pergame, il y a deux sites principaux :

  • l’asclépiéion, lieu de soins sur le modèle d’Epidaure
  • l’acropole, lieu de la ville antique

Mon plan pour le lendemain est de commencer par l’asclépiéion puis par l’acropole.

Asclépiéion

La journée commence par un petit-déjeuner copieux à l’hôtel. C’est marrant le petit déjeuner est à la française ici, c’est à dire sucré.

petit-déjeuner et cajun Le petit déj de luxe et Cashun le chien du boutique-hôtel

L’asclépiéion est à 30 minutes de marche à pied, je traverse le quartier pauvre de Pergame qui a son charme. Des gens travaillent à même le sol.

voitures dans trois rues Vieilles Renault de toutes les couleurs

J’arrive à l’asclépiéion et c’est quasiment désert, tout est très calme, c’est très agréable de se balader dans ce lieu.

Entrée Ambiance à Pergame, il n’y a pas de filtre, la caméra du téléphone devait être un peu sale, ça donne un effet appréciable

Le lieu est mieux conçu ou mieux présenté qu’à Epidaure, on comprend les rituels de soins apportés notamment par le songe. Les restes archéologiques sont bien mieux conservés. On rentre par la voie Tecta, la voie sacrée centrale qui mène au sanctuaire, les restes du temple. On tombe sur la base d’une colonne-autel décorée de serpents, à côté du temple de Zeus-Asclépios, un drôle de bâtiment circulaire.

colonne-autel et théâtre Au premier plan la cour entourant la couronne autel, au deuxième, la galerie ombragée supportée par une colonnade, et au fond le théâtre

gallerie La gallerie vue de plus proche

Puis on arrive sur une grande cour. A droite on voit une grande colonnade qui mène jusqu’au théâtre (définitivement plus petit que celui d’Epidaure). On trouve aussi dans la grande cour la fontaine sacrée. On peut ensuite prendre le cryptoportique, une voie souterraine voûtée qui mène à un lieu de soins un peu particulier, le temple de Télesphore, un bâtiment circulaire organisé en pétales, qui pouvait très bien être utilisé comme thermes (je spécule).

Maison des traitements Temple de Télesphore

Le lieu est très apaisant, on s’imagine très bien y faire une cure.

tortues Je m’approche d’un petit étang recouvert de mousse et je vois deux trois petites têtes sortir et rentrer dans l’eau, sont-ce des serpents ? Sont-ils prêts à me sauter à la gorge ? Non ! Ce sont des petites tortues toutes craintives !

voie tecta La voie Tecta depuis laquelle on aperçoit l’acropole de la Pergame avec son théâtre et ses ruines

Pour info, Galien naît à Pergame, soigne à Rome les gladiateurs et écrits plusieurs traités qui ne seront redécouverts qu’à la Renaissance, enfin il ouvrira les fameux cours Galien pour passer sa première année de médecine plus facilement et deviendra ainsi un riche businessman.

Je repars du lieu et me dirige vers la ville. Je trouve un restaurant ouvrier pas cher du tout. Les turcs comme les grecs et je pense aussi les gens des Balkans ont cette habitude d’avoir des restaurants où les plats sont cuisinés d’avance, il suffit d’indiquer son choix pour être servi immédiatement. C’est le cas ici, mais je suis vraiment une anomalie en tant que touriste. Les gens me regardent en se demandant ce que je fous ici. Nous sommes pourtant à Pergame, ville d’après laquelle le musée le plus visité d’Allemagne a été nommé !

repas En tout et pour tout 120₺ soit 4€

Mustapha le pilote

Je retourne à l’hôtel mais il est déjà 14h30, je me fais une bonne grosse sieste. En me réveillant, je remarque que je ne trouve plus mon pendentif que j’avais acheté en Crète. Il n’est pas autour de mon cou ni dans mes poches. Je panique je cherche partout, je m’insulte. Puis je me pose une minute pour réfléchir à la dernière fois que je l’ai enlevé. Maintenant je me rappelle, je l’ai retiré à l’asclépiéion pour mettre ma crème solaire. J’ai oublié de le remettre parce que j’ai vu un groupe de touristes arriver et j’ai décampé rapidement. J’essaie de trouver le numéro de l’accueil du site pour savoir si on le leur a rapporté mais je ne trouve rien. Je descends de ma chambre et je croise Mustapha, un jeune étudiant qui tient l’hôtel pendant la journée. Je discute un peu avec lui et lui explique mon problème. Il se dévoue, trouve le numéro et leur passe un coup de fil. Mais pour l’instant, c’est choux blanc, ils n’ont rien.

Mon cœur quand je découvre que j’ai perdu le pendentif

Bon le problème c’est que je pars le lendemain, et qu’il va falloir que je fasse des choix, soit aller récupérer mon pendentif, soit aller visiter l’acropole qui ferme à 19h. Et c’est là où Mustapha me sauve, il doit aller faire une petite course en ville, il me propose de me prendre sur son scooter et de m’emmener à l’asclépiéion pour y récupérer le médaillon. Trop bien c’est parfait !

J’embarque sur son scooter, je sais pas trop où mettre mes jambes mais j’arrive à accrocher quelque part. On retraverse la Pergame moderne jusqu’au sanctuaire. A l’entrée, ils ne sont pas chiants, avec mon ticket de la journée, ils me laissent entrer de nouveau. Je vais directement à l’endroit où je suis quasi sûr de l’avoir perdu. Il ne m’apparaît pas tout de suite mais dès que je le vois caché dans les herbes près de la colonne écroulée où je me suis assis, j’exulte !

C’est vraiment l’ascenseur émotionnel mais faut bien avouer que le shot de bonheur et de soulagement après avoir retrouvé le médaillon est une drogue qui se vendrait très bien sur le marché.

Mustapha me dépose près du téléphérique qui amène à l’acropole. J’aurais donc pu récupérer mon médaillon et faire l’acropole !

J’en profite pour faire le portrait de Mustapha. On s’entend bien et je passe pas mal de temps à discuter avec lui accompagné de Cashun, le chien de la maison. Il est originaire de Pergame même, il a environ 21 ans, et il étudie l’ingénierie biochimique. Il n’a pas l’air d’être des étudiants dilettantes, je le retrouve plusieurs fois en train de lire un article scientifique de sa professeur de chimie de l’année suivante (qui aurait trouvé des bactéries capables d’ingérer des polluants, donc très pratique pour dépolluer un site). Il a un peu peur de ne pas trouver de job en sortie donc je lui conseille de toucher un peu à la bioinformatique, mais il n’a pas l’âme d’un codeur. En vérité, il pense arrêter ses études de biochimie pour se convertir peut-être à la médecine (venant du Pergamois, pas étonnant). Sa mère est médecin donc il sait que c’est une valeur sûre.

Je le vois aussi lire un livre de Steinbeck. Je lui demande donc des conseils de lecture, il me recommande chaudement Calikusu. J’ai cru comprendre que ça parlait d’une histoire d’amour compliqué. Le livre a été adapté en série télé. Je vous repartage aussi la musique turque avec des paroles en français qu’il m’a conseillée :

A la fin, on échange nos numéros et je lui recommande chaudement de venir en France !

L’acropole

Après cette péripétie en scooter, je prends le téléphérique qui mène jusqu’en haut. L’acropole est vraiment surélevée par rapport à la ville et la vallée, c’est pour sûr une excellente place défensive. Après je sais pas comment il se débrouillait pour l’approvisionnement en eau lors de siège. Je paie le ticket qui coûte quand même 10€ pour faire l’aller retour, j’aurais préféré monter à pied mais je suis un peu court en temps donc pas le temps de penser à ça.

J’arrive tout en haut, le temps de me remettre de mes émotions, la lumière est très belle ici en fin de journée. Malheureusement il est déjà 18h. Dans mon guide, il est noté que le site ferme à 20h, mais à l’entrée on me dit non non on ferme à 19h. Ok donc je vais vraiment devoir mettre un coup de boost. Mustapha m’a dit qu’il fallait bien 2-3h pour tout visiter…

ruines La plus grande partie du site ressemble à ça, des fondations avec quelques maigres indications, je ne sais donc pas à quoi ça correspond ici mais pour se consoler on peut voir la Pergame moderne en fond

sanctuaire d'Athéna Le sanctuaire d’Athéna comme vous pouvez le constater

temple de Trajan Le temple de Trajan

temple et statue de Trajan Temple et statue de Trajan

Je passe devant les premières ruines et je me rends directement vers le palais de Trajan, le monument le plus impressionnant du site avec le théâtre. Le reste est plus difficile à visiter comme je vous l’ai dit parce qu’il ne reste vraiment que les fondations. Mais la magie opère tout de même, les fortifications sont debout et on a une vue magnifique sur la vallée à 360°. Je visite également la bibliothèque qui était la deuxième plus grande après celle d’Alexandrie avec 200.000 rouleaux. En fait on voit pas grand chose. Bon à savoir c’est à Pergame qu’on inventa le parchemin (le mot lui-même vient de Pergame).

aqueduc Vue sur la vallée depuis l’arsenal. Remarquez bien les deux bouts d’aqueduc au premier plan et au second.

Le temps file et je vais voir le théâtre qui est sûrement celui avec l’inclinaison verticale la plus importante du monde grec. On imagine les spectacles, les discours ou les débats politiques prenant lieu avec une vue de dingue.

théâtre Vue du théâtre, très difficile à prendre en photo, on le voit mieux de tout en bas !

Là il est 19h, donc c’est pas bon le site va fermer. Je pirate en descendant le théâtre et je découvre le joli temple de Dionysos (celui-là est toujours lié de près ou de loin à un théâtre). J’entends un sifflet qui veut définitivement dire que le site va fermer. Il doit être adressé à quelqu’un d’autre c’est sûr. Je vois que le chemin continue sur la gauche tout en restant caché des gardiens du site, donc je l’emprunte en inventant déjà une excuse.

temple de Dyonisos Le temple de Dionysos bien caché dans la roche

Malheureusement en prenant ce chemin, cela veut dire que je rate toute l’entrée de la ville haute que j’ai ignoré en arrivant. Particulièrement, je rate le temple de Zeus, hors c’est bien l’autel de Zeus qui est exposé au musée de Pergame à Berlin. Je découvrirai bien plus tard que le musée a fermé la section de l’autel pour rénovation. De plus l’intégralité du musée sera en rénovation à partir d’octobre 2023 et clôturé pour au moins 4 ans.

Chemin romain La voie romaine menant à la ville devait être grandiose, les fils électriques en moins

Je m’engage donc en réalité sur la voie romaine qui m’emmène vers l’agora inférieure. Et je tombe sur une palanquée de monuments. Il n’y a personne à me suivre, je visite même si je suis un peu en stress. On peut donc voir le sanctuaire de Déméter, le temple d’Héra, le gymnase haut, le gymnase bas, des chapelles, des auditoriums, la maison du consul romain Attalus, la porte sud des mura illes. J’en oublie sûrement. (C’est quand même beaucoup plus facile de raconter des anecdotes de rencontre que la visite de sites archéologiques)

Temple de Déméter Temple de Déméter

Temple d'Héra Temple d’Héra, assez rare pour être signalé

Je me fais une réflexion au passage en remarquant à postériori la longueur des temples : en fait une église, c’est simplement un temple grec avec un transept ! Les proportions sont similaires, ils ont tous les deux un narthex à l’entrée puis une grande nef avec des colonnades qui dégagent deux bas-côtés tout cela menant au chœur dans laquelle on retrouve la figure divine. En tout cas, ça vaut pour le style roman et gothique, pas pour le style byzantin et les églises orthodoxes qui s’organisent autour de la coupole centrale. Comme les mosquées au final ! Celles-ci doivent donc être un dérivé de l’architecture byzantine, innovation plus tardive dans l’histoire de la chrétienté.

plan d'église romane

Plan d’église romane, je vous fais réviser les cours d’histoire de 4ème

vue sur Pergame moderne Vue sur Pergame moderne, on aperçoit à gauche la basilique rouge, en ruine, et à l’arrière plan à droite un tumulus qui indique l’ancienneté du site de Pergame

J’atteins les limites du site, il est 19h45. Je pensais trouver un gardien qui viendrait tout spécialement me tirer les oreilles, en vérité je rencontre simplement un portique tournant à sens unique permettant aux retardataires comme moi de sortir en toute impunité.

enfants jouant Très content de ce cliché avec la basilique rouge en fond