Voyage effectué 2 semaines avant les incendies, j’ai eu chaud
Destination Rhodes, je pensais arriver à un autre bout du monde finalement je tombe sur la 3ème plus importante destination touristique en Grèce.
La porte d’Amboise
Ferry
Je prends le bateau de Sitia au petit matin, nous avons le droit au lever du soleil. Je fais ce que je peux pour me trouver un endroit où récupérer deux trois heures de sommeil.
Le soleil est timide
En émergeant sur la poupe du bateau assis sur ma chaise, une fille me demande de prendre 2-3 photos dans le vent s’éloignant de Karpathos. J’entame la discussion, Martina est une polonaise qui est venue voir sa sœur qui travaille comme cuisinière sur l’île. On discute un peu de tout et de rien.
Mer de nuages ?
Les deux tours (port de Karpathos)
L’auberge
J’arrive à Rhodes, et je me rends dans mon auberge. Je dois marcher par 35°C avec mon gros sac sous le soleil, je suis trempé à l’arrivée. Un irlandais fait la réception à l’hôtel, je lui dis que je nous sommes cousins, je viens de Bretagne. Évidemment, les irlandais c’est toujours pareil, ils pensent être la seule nation celtique et il n’a aucune idée de notre existence. Je joue de la fibre nationaliste pour essayer de créer une complicité mais c’est à double tranchant.
Je m’installe. Rhodes est un drôle d’endroit. Je pensais arriver dans un endroit calme, plein de nature. Mais c’est plutôt sauce tourisme de masse. J’ai pris 5 nuits parce que je savais que j’allais avoir besoin d’un peu de temps pour me reposer, réfléchir et planifier la suite.
L’auberge est un peu particulière, il y a une haute salle à l’entrée avec bar qui fait très bien sur les photos. Au sous-sol, il y a une belle cuisine ouverte et des tables où s’installer, mais surtout une grande salle cinéma. Je pense que personne ne l’utilise en revanche.
Par contre pour les chambres, c’est autre chose, la configuration est super bizarre. On rentre dans un premier sas dans laquelle il y a un lit, un lavabo, l’accès à la salle de bain et aux deux autres dortoirs. Mon dortoir est composé de trois lits, assez serrés les uns des autres sans rideaux. Pour 30 balles la nuit je trouve ça un peu cher. Surtout qu’on partage une salle de bain pour 7. Le site de l’auberge.
Très amusant, les bateaux-boutiques vendant quasi exclusivement des coquillages. Ça clique de partout. Je n’imagine pas les jours de tempête.
Glandage politique
Le premier jour est destiné exclusivement à glander, à discuter et à réfléchir à ce que je vais faire. Je rencontre Mia, une australienne infirmière, Jack et Liyah, deux britanniques, Sofia une américaine, Josh un australien qui vit à Gold Coast (c’est le nom d’une ville) et un groupe d’australiens que j’intimide sûrement par ma cool attitude.
Je discute aussi un peu avec Ali, un suédois qui dort justement dans le sas de ma chambre. Ali est étudiant en informatique mais pour les vacances, il passe sa journée à vendre des tickets pour des excursions en bateaux ; et ses nuits en boîte à user de ses charmes. Il me parle aussi des émeutes en France (décidément vraiment tout le monde !). Vu qu’il a des origines arabes, je prends le temps de lui expliquer les causes de la colère mais aussi la montée du racisme et du fascisme en France. Je lui parle aussi de la politique d’extrême-droite de Macron et de son affreux Darmanin. Il est assez étonné parce qu’il pensait que Macron était de gauche. MDR je l’avais pas entendu depuis longtemps celle-là, je lui dis qu’il doit écouter les mauvais podcasters mais je lui en veux évidemment pas.
Il me demande si je suis “liberal” ou “conservative”, en utilisant donc la boussole politique américaine. C’est là qu’on voit que malgré tout, le travail des influenceurs de droite comme Jordan Peterson fonctionne, il arrive à supplanter le clivage gauche vs droite classique européen qui a permis les avancées sociales par celui de liberal vs conservative. Ce dernier clivage n’est moteur que de droitisation et n’est que la preuve de la main mise totale du capital sur l’ensemble du spectre politique. (230 milliardaires ont financé la campagne de Biden contre 130 pour Trump - source : It’s OK to Be Angry About Capitalism, Bernie Sanders). D’ailleurs en Europe, la droite est autrement identifié comme le courant libéral-conservateur.
Je lui répond que je suis libéral sur les mesures sociales et anti-libéral en économie. Je vois qu’il n’a pas l’habitude d’entendre parler d’économie (les youtubers et podcasters de droite n’en parlent quasiment jamais). Je choisis mes mots et je lui dit que je suis de gauche radical, radical voulant dire allant à la source du problème.
Mis à part ça, je commence à avoir envie de bouger, et je réfléchis à des excursions pour les jours qui suivent, mais j’ai du mal à faire accrocher les gens. Je me déciderai à partir vadrouiller seul.
Un coloc qui était venu assister à une conférence doit s’en aller mais on lui a donné une bouteille d’eau de vie de 1L, il ne sait pas quoi en faire parce qu’il ne peut pas l’embarquer dans l’avion à moins de la boire cul-sec au portique de sécurité. Au final c’est moi qui la récupère alors que je ne bois pas d’alcool, je la trimballerai en Turquie et jusqu’en France.
Les rues de Rhodes
Sirène
Alors que je suis sur l’ordi à disposition des voyageurs à essayer de planifier la suite du programme, je rencontre Jyke un britannique de 60 ans. On parle un peu techno (réglages de clavier de Mac) et le courant passe bien. Il se présente comme un inventeur (il a inventé son prénom !). Il est en train de mener une petite entreprise : il a inventé un système de sirènes plus respectueux des utilisateurs qu’ils soient ambulanciers, policiers ou conducteurs.
Il essaie de répondre à plusieurs problèmes rencontrés au moins en Grande-Bretagne :
- Les sirènes ne sont pas directionnelles, ce qui augmente le risque d’accident car les conducteurs de voitures paniquent
- L’ouïe des ambulanciers subit les défauts des sirènes produisant des hauts niveaux de décibels par défaut.
Sa solution consiste en une sirène correctement positionnée qui permet au récepteur de toujours savoir d’où vient le son (même en ville) et à l’émetteur de conserver ses oreilles.
Il cherche également des débouchés et me demande si je connais des gens dans le milieu automobile, médicale ou administratif qui pourraient être intéressés. Je n’en connais aucun mais je lui conseille d’aller voir les syndicats. Une idée que personne ne lui avait donnée auparavant !
Vous pouvez retrouver son travail ici : directionalsirens.com
Une maison abandonnée qui révèle un peu de la vie intime de Rhodes.
Rhodes
Rhodes a subit de nombreuses influences mais celle qui est mise en valeur aujourd’hui est celle de l’ordre Hospitalier (ou ordre de Saint-Jean de Jérusalem ou ordre de Malte), un ordre chevaleresque participant aux Croisades. On retrouve leur présence principalement sur l’artère principale, la rue des Chevaliers où se distinguent les auberges des Langues (à l’époque où le concept de nation était encore inexistant) et au bout de laquelle se trouve le palais des Grands Maîtres. On peut donc passer devant l’auberge d’Italie, de France, d’Espagne, de Provence, d’Auvergne.
Allez les bleus 🇫🇷🇫🇷🇫🇷
Pendant la seconde guerre mondiale, l’Italie, souhaitant reformer l’empire romain, a donc tenté de conquérir la Grèce (sans succès jusqu’à l’aide des allemands) et d’autres territoires méditerranéens dont Rhodes. Ses archéologues ont donc été chargés de restaurer la ville dans son idée médiévale, l’Italie fasciste fétichisant la chevalerie chrétienne contre les influences inférieures ottomanes. C’est pour cela que la ville semble si bien conservé, il s’agit d’une grande œuvre de reconstruction.
Autres monuments moins touristiques de Rhodes
Petit mention sur l’ordre Hospitalier, une partie de son économie reposait sur la capture et le trafic d’esclaves, qu’ils soient musulmans ou chrétiens. Un business pas très chevaleresque.
Musée archéologique
Je visite rapidement le musée archéologique pour retrouver le pithoi d’Italos placé à Rhodes dont Fiona m’avait parlé. Les pithoi étaient utilisés pour les funérailles d’enfants dans l’antiquité. Ceux-ci étaient placés dans de gigantesques jarres. Je retrouve le pithoi dans le palais des Grands Maîtres. Dans le musée archéologique, on trouve de grandes mosaïques et de nombreuses très jolies sculptures.
L’Aphrodite accroupie et le pithoi de Crète
Soirée mouvementée
Ça bouge pas mal dans ma chambre, j’ai une nouvelle coloc, une fille grecque la quarantaine un peu décalée. La discussion s’engage bien, on discute juste tous les deux dans la chambre.
Elle vient de l’île de Kos, une île du Dodécanèse au large de la Turquie. Elle se rend à un mariage d’une amie en Crète. Je lui explique que je suis déçu de ne pas avoir rencontré plus de grecs et de grecques pour qu’ils me parlent un peu de leur vie. Ça tombe bien elle est très contente d’en parler.
Sa famille et elle vivent chichement des appartements loués pour les travailleurs des grands hôtels pendant l’été. L’hiver, ils vivent de vache maigre grâce aux économies de l’été. La vie des grecs est difficile, c’est sans cesse une bataille pour la survie. L’Etat qui est censé aider ne fait que le contraire. D’une part le revenu de base a été supprimé, et le chômage fortement augmenté. D’autre part il faut se battre avec les administrations et notamment les impôts qui ne semblent pas avoir une méthode unique et déterministe (qui donne toujours le même résultat). Ainsi, une année, on peut avoir correctement payé la somme demandée puis l’année suivante recevoir un avis de rattrapage avec pénalités sur l’année précédente. Et pour contester la décision, bon courage. On entre dans un labyrinthe administratif.
Elle évoque le fait que lorsque l’on dépasse un certain plafond d’argent sur son compte, la différence entre le solde sur le compte et le plafond est sucrée. (à vérifier ça)
Elle me parle également de sa mère qui a subit une opération il y a peu de temps. Il est de pratique commune de donner un bakchich au médecin en plus de la somme pour l’opération et l’hospitalisation pour que celui-ci s’occupe convenablement du patient. Et les sommes sont assez élevées.
Je lui demande alors d’où vient tout cela. Pour elle, ce sont les banquiers qui ponctionnent la vie des grecs et plus précisément les israéliens et les illuminatis (qui contrôlent également les USA). Bon ça va partir en co**lles. Mais je décide de ne pas l’interrompre pour constater l’ampleur de la catastrophe.
Elle m’explique que la Grèce a été occupée pendant 300 ans par l’empire ottoman et que c’est de là d’où viennent les pratiques telles que le bakchich. Pour elle, la Grèce n’a pas eu de leader chrétien orthodoxe fort ayant réellement l’intérêt de la Grèce au cœur. C’est amusant parce que le Routard dit quelque chose de similaire sur le dirigeant providentiel grec (voir l’article Anarkisme crétois à Héraklion - Crète). Ils prennent peut-être en modèle Ataturk pour la Turquie ou de Gaulle pour la France.
C’est ici que ça chauffe
Pour elle, les musulmans n’ont pas les mêmes rapports que les chrétiens, ils menacent la Grèce etc etc… Alors qu’elle m’explique tout cela, mon nouveau coloc, un mec super barak, rentre dans la pièce et va se coucher, mais il écoute d’une manière distraite la conversation.
Elle continue en chuchotant en m’expliquant que tout cela a commencé quand la Grèce a ouvert les frontières aux Albanais : ceux-ci sont rentrés sur le territoires et on commencé à voler, à tuer, à violer.
À ce moment-là, mon deuxième coloc de redresse sur son lit, la regarde droit dans les yeux et lui assène sèchement : “Ma famille est albanaise, tu devrais fermer ta gueule parce que je vais dormir.”
Grand silence et gros malaise.
Je m’éclipse prendre l’air. Je vais me balader, je passe dans les rues où ça chahute pas mal. En passant devant certaines boîtes, des rabatteurs m’attrapent le bras comme si j’étais leur pote et me proposent “des filles”.
Je rentre à l’auberge, et je m’assois sur un canap ne sachant trop que faire. Heureusement c’est là que Nikolas va me repêcher en me proposant de partir en boîte avec deux de ses amis. Je ne connais pas du tout Nicolas, je ne lui ai encore jamais adressé la parole, mais j’accepte parce que j’ai besoin de penser à autre chose. Nikolas est un Belge flamand rigolo. On va tous ensemble à la Casa Fuego, une sorte de boîte-bar ouverte en plein air qui passe tous les soirs exactement la même playlist (même ordre, même musique, exactement la même playlist).
Finalement je me décide à rentrer, je me prends un petit gyros aux champignons pour la route. Je remonte dans ma chambre où les deux comparses se trouvent toujours. Pas de sang sur les murs, rien de cassé, il n’y a pas eu de bagarre, les deux dorment tranquillement et pour moi non plus ça ne traîne pas.
Le lendemain, je me réveille la fille est partie et je m’excuse auprès de l’albanais (qui est en fait brésilien mais vivant à Berlin). Je me pose la question de comment gérer les racistes, parce que ce n’est pas la première fois qu’un d’entre eux se confie à moi. Preneur de tout conseil.
Vous en aurez vu du coucher de soleil ! Apparemment la nuit, la mer produit de la lumière car remplie de petits organismes phosphorescents, je n’ai pas eu le temps d’aller le constater moi-même